Preuve tangible que la crise économique ébranle et affaiblit nos stations de télévision? Elles ont toutes sabré les budgets des somptueux lancements de leur programmation, ces bacchanales de fin d'été où les vedettes enfournent des canapés et sirotent du chardonnay tout en souriant généreusement pour les caméras.

Fin août, Radio-Canada dresse toujours un immense chapiteau blanc sur les terrains extérieurs jouxtant sa grande tour du boulevard René-Lévesque. Pas cette année. Les stars de la SRC ont festoyé mardi après-midi sous les projecteurs du studio 46, au sous-sol de l'édifice.

 

«Nous avons reçu des consignes de faire des choix plus économiques», justifie la porte-parole de Radio-Canada, Nathalie Moreau. Sale temps pour les pique-assiettes.

Même climat de parcimonie et de frugalité à TVA, qui loue habituellement de vastes salles au Cirque Éloize ou au Centre des sciences pour dévoiler ses canons de la rentrée. Mais pas cette saison. Les vedettes du «vrai réseau» paraderont lundi dans un studio de la maison, coin Alexandre-de-Sève et De Maisonneuve. «Dans le contexte, on fait attention à ce qu'on dépense», glisse la porte-parole de TVA, Nicole Tardif.

Au-delà du côté anecdotique, ces changements reflètent bien le climat d'incertitude qui englue cette saison télévisuelle 2009-2010. Il serait bien mal vu pour Radio-Canada ou TVA de se noyer dans le champagne doré alors qu'ils licencient des employés (800 postes abolis à la SRC), qu'ils imposent des régimes draconiens aux budgets de leurs dramatiques ou qu'ils repoussent la diffusion de séries phare de plusieurs mois, comme ce fut le cas pour Le gentleman et Lance et compte: Le grand duel à TVA.

Oui, la télévision généraliste vit présentement son époque Séraphin Poudrier: au pain sec et à l'eau. Sur le marché publicitaire, le puissant moteur qui alimente toute l'industrie du petit écran, frilosité et prudence dominent. «Les annonceurs attendent à la dernière minute pour dépenser leur argent. Normalement, on reçoit des autorisations d'achat de publicité à la fin juin. Cette année, le marché a démarré fin juillet, début août», note la directrice des achats média chez Cossette, Sylvie Sauvageau.

En comparaison avec l'an dernier, les grandes chaînes accusent du retard dans la vente de leurs tranches de 30 secondes de pub. «Les annonceurs basés dans les marchés durement frappés par la récession, comme Toronto ou New York, fonctionnent présentement au ralenti», constate le vice-président média à l'agence de placement Touché! -PHD, Jean-Pierre Giroux.

Chez TVA, le régime minceur ne paraîtra pratiquement pas au petit écran, assure la vice-présidente à la programmation, France Lauzière. «L'objectif était de faire notre effort de réduction sans que les téléspectateurs s'en rendent compte. Il fallait que la qualité des émissions soit intacte, que les contenus restent riches et que les histoires demeurent belles», énumère-t-elle.

Comme un petit écureuil amassant des provisions, TVA a grignoté des dollars dans chacune de ses productions. Sans vous embêter avec des détails trop techniques, sachez que des émissions tournées habituellement avec huit caméras l'ont été avec sept et que TVA a redoublé de vigueur pour dégoter des commandites. «Tous les dollars ont été maximisés à l'écran», indique France Lauzière.

Et si TVA a retardé la présentation du Gentleman et de Lance et compte, c'est pour une raison comptable, précise France Lauzière. Dans le budget de la chaîne appartenant à Quebecor, ces séries entrent dans la colonne des dépenses uniquement après leur diffusion. Donc, tant que leurs bobines dorment sur des tablettes, ces émissions font partie des «actifs» du réseau. Fin du chapitre comptabilité.

À Radio-Canada, la direction a exigé que tous les producteurs compriment leurs budgets de 10% à 25%. «Mais là, ne me demandez plus de couper, il n'y a plus rien à couper», lance la directrice de la télévision française de Radio-Canada, Louise Lantagne.

En grappillant des dollars ici et là, et en prévoyant notamment des reprises pour Infoman et 3600 secondes d'extase, la SRC a évité de jeter au panier des pans complets de sa programmation. «Dans un contexte économique difficile, la première chose qu'il faut préserver, c'est la grille (de programmation). Si la grille faiblit, tous nos futurs revenus vont faiblir et comment allons-nous sortir la tête de l'eau par la suite?» demande Louise Lantagne.

C'est plutôt ironique comme revirement de situation, mais la seule station qui semble avoir le vent dans les voiles est... V, l'ancien TQS qui a bien failli disparaître de notre radar l'an dernier. Selon diverses sources dans les agences de publicité, la nouvelle image dynamique de V a suscité un «buzz positif». Faudra maintenant vérifier si derrière le logo stylisé de V, il se cache de bonnes émissions. Rappelez-vous 2 laits, 1 sucre et Monsieur Showbiz. C'est encore douloureux, non?

Ma Liste

 

 

1> Le retour de La galère. Après plus de deux ans d'absence, vivement le retour d'Isa, Mimi, Claude et Steph. On s'est beaucoup ennuyé de ce quatuor décoiffant.

2> La suite de Lance et compte: Le grand duel. Pour tous les fans de Marc Gagnon et Suzie Lambert qui ont patienté et refusé de payer pour visionner la série en primeur l'hiver dernier sur Illico.

3> On passe aux Aveux. Une série hyper intrigante et mystérieuse du dramaturge Serge Boucher, dont les promos ont roulé tout l'été à Radio-Canada. Maxime Denommée y tient le rôle principal.

4> Occupation double 6 en République dominicaine. Plus d'excursions ennuyantes à Charlevoix ou dans les Laurentides. Tout le monde à la plage. Et tout le monde enfile son maillot. Allez!

5> Direction Yamaska. Les dynamiques Anne Boyer et Michel d'Astous reviennent au téléroman avec cette oeuvre qui fouillera dans la vie de trois familles de Granby. Solide distribution, qui réunit notamment Anne-Marie Cadieux, Chantal Fontaine, Élise Guilbault, Michel Dumont et Denis Bernard.

6> Voir et découvrir V. Avec des jeux flyés comme Le mur, Wipeout ou Distraction, l'ex-TQS ne souhaite qu'une chose: nous faire décrocher du quotidien. On n'a rien contre. Si c'est bien bricolé, bien sûr.

7> Vrai ou faux Gentleman? Autre oeuvre du tandem Boyer-d'Astous. Un thriller cette fois, qui tournera autour du flic Louis Cadieux (David Boutin), qui fouinera dans le milieu de la prostitution. On a hâte.