La diversité de la grille horaire des émissions présentées au petit écran risque d'être menacée avec l'entrée en vigueur du Fonds des médias, s'inquiète le vice-président principal de Radio-Canada, Sylvain Lafrance. Selon lui, ce système de financement pourrait même remettre en question le mandat de la SRC.

La mise en place l'an prochain de ce nouveau programme, né de la fusion du Fonds canadien de télévision et de celui des nouveaux médias, ne fait pas l'unanimité auprès des télédiffuseurs. Du côté de Radio-Canada et de Télé-Québec, on craint que les règles d'attribution de ce fonds - destiné notamment au financement des émissions - favorisent les émissions qui obtiennent de grosses cotes d'écoute.

 

«Est-ce qu'on produit Tout sur moi ou est-ce qu'on produit une émission qui fait 1,5 million (de cotes d'écoute)? a demandé Sylvain Lafrance, lors d'un point de presse hier, qui se tenait à l'issue d'un déjeuner organisé par l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision où il a prononcé un discours. On a beaucoup dit qu'il fallait créer des émissions à succès. Les mots me font un peu peur, laisse-t-il tomber. Si on essayait tous de créer l'émission la plus populaire, on finirait tous par créer la même émission.»

Et si l'offre télévisuelle présente moins de diversité, les téléspectateurs pourraient bien décider de bouder le petit écran québécois au profit des chaînes étrangères, souligne le grand patron de la SRC. «On dit souvent que les Québécois sont attachés à leur télévision, c'est vrai. Mais si on ne crée pas de la diversité, ils ne le seront pas dans 10 ans.»

«Je crains un glissement du mandat de Radio-Canada, ajoute-t-il du même souffle. On ne peut pas d'une main nous demander de faire du distinctif et de l'autre main nous financer sur le populaire. C'est un paradoxe énorme.»

Des appréhensions qui sont également partagées par la présidente-directrice générale de Télé-Québec, Michèle Fortin. «Est-ce que le nouveau conseil d'administration du Fonds des médias - qui doit être formé le 9 juin - va privilégier, de la même façon que l'ancien, les émissions pour enfants? Si je n'ai pas de fonds pour les émissions (jeunesse), toute ma programmation pour enfants s'écroule», a-t-elle mentionné au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse.

Compressions

Par ailleurs, malgré les difficultés financières que traversent présentement les diffuseurs publics, Sylvain Lafrance se montre optimiste. Il a profité d'un discours prononcé devant l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision pour assurer que la SRC passerait à travers cette crise.

M. Lafrance a également refusé de casser du sucre sur le dos du gouvernement fédéral quant à la responsabilité des coupes annoncées en mars à Radio-Canada, qui mèneront à l'abolition de 800 postes à travers le pays. «Les coupes qu'on a eues récemment ne sont pas liées à des compressions faites par le gouvernement conservateur, assure-t-il. Elles sont liées à des activités structurelles de l'industrie. Le gouvernement conservateur n'a pas accepté la flexibilité qui nous aurait permis de gérer ça sur deux ou trois ans. Dans ce cas-ci, les difficultés financières ont beaucoup de sources, mais ce ne sont pas des sources gouvernementales.»

Du côté anglais

Également présent à la rencontre, le vice-président principal de CBC, Richard Stursberg, a aussi parlé de ses préoccupations concernant l'avenir du réseau. M. Stursberg souhaite notamment augmenter les cotes d'écoute des émissions canadiennes. Si les téléspectateurs québécois sont nombreux à suivre les productions télévisuelles réalisées dans la province, les Canadiens anglais ont pour leur part tendance à regarder davantage d'émissions américaines. Développer et produire une programmation canadienne qui attirera l'auditoire compte parmi ses priorités.