Priver le budget de Radio-Canada de 56 millions pourrait mettre en péril l'existence même de la société d'État, craint le président du Syndicat des communications de Radio-Canada, Alex Levasseur. Il dénonce du même souffle l'attitude du gouvernement conservateur à l'égard du diffuseur.

«Si on effectuait d'autres coupes, ça serait plus qu'une catastrophe, ça serait dramatique!» lance-t-il sans détour, en entrevue à La Presse.

La société d'État pourrait pourtant bien voir son budget amputé de 56 millions - soit 5 % du 1,1 milliard qu'elle reçoit d'Ottawa - dès l'an prochain. À la demande du gouvernement fédéral, la SRC, comme plusieurs ministères, agences et sociétés d'État, procède présentement à l'examen de ses dépenses afin d'identifier les programmes considérés comme moins prioritaires ou qui ne répondent plus aux objectifs initiaux. Les sommes d'argent ainsi économisées peuvent être réinvesties au sein du même organisme ou encore être dirigées ailleurs. Parfois, elles sont tout simplement supprimées.

Ce scénario inquiète le président du syndicat. Il rappelle que la SRC traverse déjà une période difficile avec l'annonce récente de la suppression de 800 postes. «Si d'autres coupes surviennent, ça serait mettre complètement fin à Radio-Canada», croit-il. La présidente de la Fédération nationale des communications (FNC), Chantale Larouche, abonde dans son sens. «On craint que le mandat d'information et de divertissement soit une fois de plus remis en cause et que l'on réduise au maximum les effectifs en s'attaquant aux services régionaux», dit-elle.

À cet effet, Alex Levasseur craint lui aussi les impacts des coupes sur les services en région. Il mentionne que le budget total de toutes les stations régionales francophones du pays est de 96 millions. Et il souligne qu'à l'heure actuelle, celles-ci fonctionnent déjà avec peu de ressources. «Les gens manquent d'argent, il n'y a plus aucun remplacement», poursuit-il.

À Sept-Îles, par exemple, seuls trois employés travaillent à l'émission de radio du matin. Le chroniqueur culturel est parti et le journaliste sportif se trouve présentement en congé de maladie. L'animateur est donc seul au micro. Or, un matin, il n'a pu se présenter au bureau. L'émission a été diffusée en catastrophe depuis les studios Baie-Comeau, située à 230 km de Sept-Îles.

«Grossiers» conservateurs

Par ailleurs, le président du Syndicat de la SRC n'apprécie guère l'attitude du gouvernement Harper face à la société d'État. «Il traite Radio-Canada comme si c'était un ministère, s'insurge-t-il. La distance «de bras» entre le gouvernement et nous est en train de disparaître. Radio-Canada doit rendre compte de son budget devant le Parlement, pas devant le premier ministre et son cabinet.»

De plus, à la suite de leur passage devant le comité permanent du Patrimoine à Ottawa pour discuter de l'évolution de l'industrie télévisuelle, Alex Levasseur et Chantale Larouche ont vivement dénoncé l'attitude des députés conservateurs pendant leur témoignage. «On a fait face à une fin de non-recevoir de la part de l'équipe conservatrice, déplore M. Levasseur. Ils ne nous écoutaient pas. Ils se levaient pendant les comparutions pour aller fumer. Ils étaient grossiers. Ça été insultant.»

Le président du syndicat songe même à envoyer une lettre au premier ministre Stephen Harper afin qu'il ramène ses troupes à l'ordre et leur demande de faire preuve de plus de décorum. Le comité permanent du Patrimoine est formé de neuf membres, d'un président et de deux vice-présidents. Parmi eux, on compte six députés conservateurs, deux bloquistes, trois libéraux et un néo-démocrate.