Qu'il s'agisse de la déficience intellectuelle de Renaud dans Annie et ses hommes, de la leucémie d'Hercule dans Virginie ou de la crise de la trentaine des quatre héros des Invincibles, les thèmes abordés dans les émissions diffusées au petit écran contribuent à alimenter les débats de société.

Alors que des coupes à Radio-Canada menacent autant le contenu télévisuel de la société d'État que la qualité des productions, Marc Zaffran et Daniel Weinstock, deux chercheurs du Centre de recherche en éthique de l'Université de Montréal (CREUM) vantent les vertus de la télévision. Regarder davantage de bonnes séries télévisées fera de vous de meilleurs citoyens, affirment-ils.

Pour les deux universitaires - que l'on peut entendre depuis la semaine dernière dans une capsule mise en ligne sur le site du CREUM et abordant notamment les aspects éthiques des téléséries américaines -, les émissions de qualité exercent un rôle pédagogique important dans une société autant aux États-Unis qu'ailleurs dans le monde.

«Au Québec, une série quotidienne comme Virginie, c'est une série qui, pour raconter des histoires, va se brancher directement sur l'actualité, explique M. Zaffran, également auteur de nombreux essais sur les fictions télévisées diffusées notamment au pays de l'Oncle Sam. Donc, elle sert de chambre d'échos à l'actualité. Il y a un personnage principal qui pourrait être votre voisine, qui commente l'actualité. Et ça sert de lieu de débats. Quand le téléspectateur voit ça, il peut en parler le lendemain et ça crée un débat sur le terrain, un débat public.»

Selon M. Zaffran, la télévision est la seule forme d'expression artistique qui aborde les problèmes au moment même où ils sont soulevés dans la société en général. «Quelque chose qui apparaît dans les médias aujourd'hui peut devenir le thème d'un épisode de Law & Order dans un mois, ajoute M. Weinstock, directeur du CREUM. Les artisans des téléséries peuvent en quelque sorte aider la société à réfléchir aux grandes problématiques, à chaud.»

Par exemple, dans cette optique, Marc Zaffran, médecin de formation, est convaincu que les travailleurs de la santé auraient avantage à regarder plus de téléséries, comme Dr House, une émission américaine mettant en vedette le Dr Gregory House, un diagnosticien qui s'intéresse aux maladies rares. Il souligne que les problèmes éthiques auxquels font face quotidiennement les médecins se retrouvent presque systématiquement au petit écran.

«À l'heure actuelle en Amérique du Nord, il y a quatre ou cinq fictions médicales qui parlent (de différents aspects de la profession) de façon fort intéressante», souligne-t-il.

Productions menacées

Par ailleurs, les deux universitaires sont d'avis que les coupes annoncées récemment à Radio-Canada, qui peuvent mettre en péril la qualité et la diversité des émissions présentées, n'augurent rien de bon. «C'est une très mauvaise nouvelle, affirme Daniel Weinstock. Je pense qu'une société a toujours avantage à protéger ses artistes, ses créateurs pour leur donner les moyens de faire des choses.»

Interrogée à ce sujet, Claire Samson, présidente de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ), abonde dans le même sens. Si elle se dit convaincue que la télévision influence les réflexions et alimente les débats, elle ne cache pas son inquiétude face à la situation actuelle. «Une télévision publique qui s'appauvrit, dit-elle, ce n'est rien de bon pour les producteurs et pour la société en général.»