Retirée du showbiz depuis plusieurs mois, Varda Étienne est sortie de sa retraite à Saint-Constant pour faire le tour des médias et promouvoir Maudite folle le récit de sa bipolarité qu'elle a coécrit avec Christine Ouin. On l'a vue étonnamment calme et pondérée à Tout le monde en parle comme chez Denis Lévesque, mais sans les caméras comme miroirs, le naturel de Varda revient vite au galop. Portrait d'une diva bipolaire.

Il y a exactement sept ans, dans ce journal, je prédisais à Varda Étienne un grand avenir en télévision. À l'époque, sa carrière télé était encore embryonnaire. Elle n'avait animé que deux émissions à MusiquePlus, une sur la musique «dance» et une autre sur la mode, mais sa personnalité fantasque, flamboyante et faite sur mesure pour les caméras laissait entrevoir un ciel professionnel radieux pour cette bête de télé qui n'avait pas la langue dans sa poche et maniait sa verve comme un fouet. Sans compter qu'en plus de ses talents de communicatrice, Varda avait un talent encore plus important: celui de convaincre les autres de sa grande valeur.

 

Bref, à 29 ans, tous les espoirs semblaient permis à cette ex-mannequin et fille de bonne famille, qui a grandi en partie à Outremont et épaté ses profs à l'école privée.

Pourtant, sept ans ont passé sans que la carrière télé de Varda ne décolle vraiment. Après avoir testé des vibrateurs fluo et autres gadgets érotiques à l'émission Je regarde moi non plus, animée par sa copine Renée-Claude Brazeau, Varda a bifurqué vers la radio du 98.5 FM. Elle a coanimé le Showbizz Chaud avec Éric Rémy avant de partager le micro de Gilles Proulx à l'émission du retour. Mais l'union de ces deux grandes gueules fut de courte durée et se termina, sinon dans le sang, à tout le moins dans les insultes, les invectives et les crises de nerfs. Furieuse contre un commentaire de Proulx au sujet de ses implants mammaires, Varda a claqué la porte du studio, puis de l'émission et finalement de la station.

Tout cela pour dire qu'il y a sept ans, j'avais imaginé une tout autre suite que celle en dents de scie qu'a connue cette chroniqueuse et communicatrice singulière. Mais à ma décharge, il y a sept ans, j'ignorais que Varda Étienne était atteinte de maniaco-dépression et qu'elle refusait de prendre les médicaments qui auraient pu égaliser son humeur et la calmer, tout cela par peur panique de perdre son identité ou de sombrer dans l'ennui et la banalité.

Flyée... ou folle finie

Diagnostiquée bipolaire à l'âge de 14 ans, Varda a attendu plus de 20 ans avant de se soigner sérieusement, de prendre ses médicaments sur une base régulière et surtout d'avouer publiquement le mal qui la rongeait et la faisait passer, au mieux, pour une flyée, au pire, pour une folle finie.

Je la retrouve un petit vendredi gris et poisseux dans le hall d'un hôtel-boutique du Vieux Montréal pour parler de son coming out. Elle s'amène en leggings et baskets, mais avec un sac Chanel et un jonc éternité étincelant, enchâssé entre deux anneaux de marque Chanel, eux aussi.

Sans le réconfort d'une caméra de la télé pour la pousser à faire bonne figure, Varda semble agitée, instable, impatiente, à cran et sur la défensive. Elle me dit que c'est à cause de la météo. Dès que le temps est gris, elle angoisse. Ah bon.

Ne sachant pas par quel bout la prendre, je reviens à son livre et au récit de cette crise particulièrement violente où elle a embouti la Volvo de son mari avec sa Mercedes, puis pris la direction du chic hôtel Sofitel au centre-ville où elle s'est loué une chambre, a commandé deux bouteilles de champagne et un repas somptueux auquel elle n'a pas touché. Le lendemain matin, elle a traversé la rue et est entrée chez Chanel et Armani, y a claqué 40 000$ et payé comptant avec des billets dissimulés dans un sac d'épicerie.

Certains lecteurs ne retiendront de ce passage que les excès de comportements d'une femme visiblement en crise. Pour ma part, j'arrive difficilement à faire abstraction des sommes considérables que la crise a englouties. D'où Varda tient-elle tout ce fric? Ce n'est quand même pas un salaire de chroniqueuse d'été à Sucré Salé ou de comédienne occasionnelle sur Virginie et encore moins un cachet de KYK-FM au Saguenay où, pendant une saison, elle a livré des billets d'humeur le matin, qui paient une Mercedes et de l'argent de poche pour faire la razzia chez Chanel et Armani.

Misant sur sa légendaire franchise, je lui demande si c'est son mari Daniel, le père de deux de ses trois enfants, un ancien joueur de soccer aujourd'hui homme d'affaires, qui la fait vivre. J'ai appuyé sur le mauvais bouton. Varda se crispe, se hérisse et nie avec véhémence, jurant que personne ne la fait vivre. Ok? Personne!

Vingt minutes plus tard, en fumant une cigarette dehors sur le pas de l'hôtel, Varda m'avoue qu'elle est une fille à papa, que son père, un homme d'affaires haïtien, propriétaire d'immeubles en Floride, a toujours été là pour elle, même en vivant aux États-Unis. Encore la semaine dernière, sachant que le livre de Varda allait sortir, il est revenu expressément à Montréal pour calmer les anxiétés de sa fille.

Souffrir et faire souffrir

Papa Étienne fait d'ailleurs partie d'une poignée de proches qui ont témoigné de l'effet Varda sur leur vie, dans le bouquin. Il affirme que Varda était l'idole, l'enfant gâtée, la poupée de la famille, mais laisse entendre qu'elle aurait hérité sa maladie de sa mère qui a sombré dans la dépression après sa naissance.

«La mère de Varda n'avait pas de lait, ne voulait pas prendre son bébé dans ses bras et c'est une nourrice qui en a pris soin avant son départ en Haïti», raconte le père, ajoutant que son ex-femme n'a jamais accepté la maladie de sa fille.

Cette dernière témoigne à son tour en prétendant au contraire que c'est le père de Varda qui n'acceptait pas sa maladie et que c'est d'ailleurs pour ça qu'il l'a soumise, adolescente, à des séances de vaudou dans la forêt en Haïti. Le témoignage de la mère de Varda est aussi candide que poignant. Celle-ci raconte qu'elle vit perpétuellement dans l'angoisse de la prochaine crise de sa fille, que plus le temps passe et moins il lui semble que Varda guérit, que celle-ci est toujours en conflit avec quelqu'un de la famille, que sa maladie contamine le quotidien comme les jours de fête et que le plus jeune des trois enfants de Varda présente des symptômes semblables à ceux de sa mère, enfant.

Rien qu'avec ces deux témoignages, on comprend que les tensions entre ses parents n'ont certainement pas aidé l'adolescente en crise qu'était Varda à trouver un semblant d'équilibre.

Les témoignages de gens de l'extérieur comme Érik Rémy, Guy Latraverse ou Esther Péladeau, fille de feu Pierre Péladeau, sont moins compromettants pour Varda, mais ne nous la rendent pas nécessairement plus sympathique.

«Faut pas croire que j'ai fait ce bouquin pour m'attirer un capital de sympathie, m'assure-t-elle. Je l'ai fait pour sortir du cercle vicieux de la honte et de la culpabilité. Je n'ai pas choisi cette maladie-là. J'ai beaucoup souffert, j'ai fait souffrir et ce livre c'est aussi une sorte de mea-culpa pour ce que j'ai fait subir aux autres.»

Du même souffle, elle avoue pourtant que si elle devait mourir demain, elle mourrait contente. «J'ai eu une belle vie et beaucoup de fun. J'ai voyagé partout. J'ai fait ce que je voulais. J'ai vécu des trips formidables. Et puis, je me suis créé cette espèce d'image «vavavoum» qui a été très payante pendant un temps, mais qui, à la longue, a fini par devenir mon cercueil. Ça aussi j'en suis consciente.»

Malgré ce grand pas qu'elle vient de franchir et qui s'inscrit dans une démarche de reprise en main, Varda n'est pas sortie du bois. D'abord, elle ne prend ses médicaments régulièrement que depuis huit mois. Ses crises, qui sont moins fréquentes qu'avant, ne sont pas pour autant terminées. Et surtout, Varda prie tous les jours pour éloigner les pensées suicidaires qui, par ciel gris, viennent bourdonner autour d'elle. Quand les pensées deviennent trop insistantes, elle leur rappelle qu'elle a trois enfants qui ont besoin d'elle. Pour ce qui est de sa vie professionnelle, Varda affirme qu'elle n'a pas de plan de carrière. Elle sera de retour à Sucré Salé l'été prochain et mise beaucoup sur Femmes de gangsters, un projet de série qu'elle a écrit. Pour le reste, le bonheur pour Varda est désormais simple. C'est une journée sans crise.