Le dramaturge et romancier québécois Larry Tremblay vient de mettre la touche finale au livret de l’opéra L’orangeraie, adapté de son roman à succès, qui sera créé à Montréal le 8 octobre par la compagnie lyrique Chants libres. Les premières répétitions viennent de s’amorcer.

Cette fable poignante sur la guerre, quelque part au Moyen-Orient, a eu, dès sa sortie en 2013, un succès instantané. On y suivait le parcours des jumeaux Amed et Aziz, deux enfants de 9 ans pris dans l’engrenage d’une guerre déshumanisante.

Souvenez-vous : leur maison de l’orangeraie est bombardée, leurs grands-parents meurent, et le chef du village demande à leur père de sacrifier l’un de ses enfants (façon kamikaze) pour venger la mort de ses parents. Mais lequel ? Les parents des jumeaux ne s’entendent pas… Le récit se poursuit 10 ans plus tard avec l’enfant survivant, qui revit son drame familial en Amérique en jouant dans une pièce de théâtre.

Quand la directrice artistique de Chants libres, Pauline Vaillancourt, a lu le roman – qui a été adapté au théâtre en 2016 –, elle a été bouleversée.

« Je suis tombée amoureuse de ce texte, nous raconte-t-elle. J’entendais plein de voix, mais principalement celle de la mère. Je trouvais qu’il y avait quelque chose de très puissant chez ce personnage. Quand on pense à un enfant qui est sacrifié, on pense spontanément à la mère qui l’a mis au monde. Je trouvais la lecture intéressante de son point de vue. Je me suis dit : il faut faire un opéra avec cette histoire ! »

Elle s’est tout de suite mise à la recherche d’un compositeur, en souhaitant trouver quelqu’un qui avait connu la guerre. C’est sa sœur Lorraine Vaillancourt, à la tête du Nouvel Ensemble Moderne (NEM), qui l’a mise en contact avec le Franco-Libanais Zad Moultaka. Depuis deux ans, c’est lui qui travaille sur la musique de L’orangeraie. Il a d’ailleurs terminé de composer 9 des 14 scènes de cet opéra moderne.

Je n’ai pas tout de suite accepté. J’ai vécu la guerre, mais jamais je n’en parlais. Ç’a été difficile, j’ai quitté le Liban en 1984, mais il y a une partie de ma famille qui est restée là-bas. Même si je n’en parlais pas, je pense que c’est dans ma musique, mais ce n’est jamais quelque chose d’appuyé.

Zad Moultaka, compositeur de musique instrumentale, électronique et lyrique

Bref, il a hésité, mais Pauline Vaillancourt, qui dirigera les neuf interprètes de L’orangeraie, a insisté pour qu’au moins il lise le texte jusqu’au bout avant de se décider.

« Je me suis rendu compte de la force de ce texte, de son côté universel aussi, et petit à petit, j’ai accepté de me laisser embarquer », admet Zad Moultaka. Tout cela à la grande joie de la directrice artistique de Chants libres et metteuse en scène de L’orangeraie, qui apprécie la musique « théâtrale » du compositeur franco-libanais, « qui sait capter notre attention ».

Vendredi, les neuf interprètes de L’orangeraie se sont donc réunis pour la première fois avec l’auteur Larry Tremblay pour répéter les neuf premières scènes de la version finale du livret sur la musique de Zad Moultaka.

« C’est ma cinquième version, nous dit Larry Tremblay, qui a fait les deux premières versions en consultant Pauline Vaillancourt – chanteuse de formation – pour trouver la musicalité du texte, et trois autres encore avec Zad Moultaka. L’adaptation théâtrale m’a quand même aidé, nous dit l’auteur et dramaturge, parce que j’avais dû couper le texte du roman en deux, mais il a fallu replonger dedans. »

L’exercice pour le livret a été encore plus exigeant. On parle du cinquième environ du roman, écrit en vers, cette fois. Un travail qui lui aura pris deux ans, mais dont il n’est pas peu fier.

À partir de ces premières répétitions (qui seront enregistrées), les concepteurs des décors et des costumes pourront commencer leur travail. Bref, tout reste à faire, mais tout est maintenant en place pour le faire. « Je suis très fébrile ! nous dit Pauline Vaillancourt. On peut enfin commencer ! », a-t-elle lancé avant de repartir avec ses deux collaborateurs.