Dans quelques jours, le Festival TransAmériques sera lancé par l’électrisante Clara Furey. Avec sa nouvelle création, Dog Rising, la chorégraphe et interprète travaille vélocité des corps et circulation de l’énergie, ouvrant le chemin vers le plaisir. En ces temps de déconfinement, personne ne s’y opposera.

À toute médaille, il y a un revers. Et de l’autre côté de la facette sombre de cette pandémie, Clara Furey a trouvé, dit-elle, ce plaisir pur de se consacrer à la création.

« Étonnamment, j’ai eu une très belle année de création. Le fait de se poser à un endroit, de ne pas courir partout, de ne pas tourner… J’ai choisi d’aller de l’avant avec la création, au lieu de reporter, même si je savais que le FTA ne serait pas ce qu’il est d’habitude. Mais justement, ça remet les choses [en perspective], on fait de la création, point, pas pour produire un produit qui va être vendu. J’ai plongé dans une routine avec l’équipe, c’était vraiment plaisant. […] Ça a réaffirmé mon amour pour la création », explique-t-elle, jointe au téléphone à quelques jours de la première de son nouveau spectacle.

Elle se consacre donc depuis l’été dernier à la création de cette pièce, coproduite par le FTA et d’autres instances. L’artiste souligne d’ailleurs d’emblée le soutien et l’entraide qu’elle a vus émerger ces derniers mois, dans un milieu souvent très niché, et dont elle et d’autres ont pu bénéficier.

« Les diffuseurs ayant des salles vides ont pu créer des résidences techniques. Je suis allée à Gaspé en résidence, au Centre de création Diffusion Gaspé, avec les interprètes Winnie Ho et Be Heintzman Hope [qui sont de la distribution de Dog Rising]. Je vais souvent en Europe, mais c’était la première fois que je sortais de Montréal pour une résidence au Québec ou au Canada. Tout ça a créé des liens. »

La pandémie a mélangé les cartes, a aussi amené une réflexion sur la santé du milieu, ce qu’on peut faire pour garder ce sens de l’entraide et de partage des ressources.

Clara Furey

Nouveau cycle

Parlant des deux côtés d’une médaille, ce spectacle, l’artiste le voit comme « l’autre côté de la même médaille » par rapport à ses précédentes créations Cosmic Love, When Even The (un solo qu’elle a dansé au MAC dans le cadre de l’exposition sur Leonard Cohen) et Rather a Ditch, solo interprété par Céline Bonnier et présenté au FTA en 2019.

« Je sentais que j’avais fini un cycle après ces trois pièces où j’étais plutôt dans l’exploration de la tension, de l’immobilité, du silence, avec un travail autour du vide », constate la chorégraphe.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Clara Furey croit amorcer un nouveau cycle de création avec Dog Rising.

Cette fois, Clara Furey a plutôt exploré le relâchement et la libération des tensions. « J’avais envie de relâcher l’énergie, de lâcher la tension de l’élastique, afin de laisser l’énergie se déployer dans l’espace avec plus de vélocité, plus de mouvement. »

C’est une pièce qui est plus dans la spontanéité, dans le plaisir, comme une architecture du plaisir qu’on construit. Il y a cette idée de l’autogénération de l’énergie, et du partage de cette ressource qu’on peut générer seul. Les notions d’écoute et d’empathie sont très fortes.

Clara Furey

Chorégraphe de l’intérieur

Ce trio, Clara Furey, qui est certes une chorégraphe, mais aussi une extraordinaire performeuse, voulait le danser. Mais le destin en aura destiné autrement, car elle porte dans son ventre un enfant à naître, son deuxième, et a pris la décision, pour sa sécurité et sa santé, de céder sa place à l’interprète Brian Mendez, après un début de grossesse difficile.

Un choix évident, car Mendez, danseur spécialisé en « voguing » (certains se souviendront de son passage haut en couleur à l’émission Révolution), fait partie du projet depuis le début, en tant qu’assistant et interprète à la recherche.

« J’avais beaucoup envie de faire la recherche à travers mon corps. Pour moi, ce sont deux choses différentes, chorégraphier de l’extérieur ou de l’intérieur. Je crois que je suis plutôt une chorégraphe de l’intérieur, mais Brian me permettait aussi d’en sortir et d’avoir une vue d’ensemble.

Donc, même si je ne danserai pas cette fois, ce qui est magnifique, c’est que j’ai pu faire toute la recherche de l’intérieur, que c’est passé à travers mon corps. Et chaque interprète vient y mettre sa couleur, comme un instrument de musique différent.

Clara Furey

Dog Rising se déploie sur une scène vide, mais habitée et habillée par le travail de ses fidèles collaborateurs : son frère, Tomas Furey, à la musique – « Le son prend une place énorme ! » – et Karine Gauthier, qui avait réalisé un travail exceptionnel d’éclairage pour Rather a Ditch. « Dans mon travail, chorégraphie, musique et lumière ont des rôles égaux, ce sont des médiums qui évoluent en parallèle, avec autonomie », fait-elle remarquer.

Même si elle prend des airs de marathon avec ses boucles gestuelles et une persistance dans le mouvement, Dog Rising n’est pas un « travail sur l’épuisement et la souffrance », juge Clara Furey. « La pièce explore comment se construire en force dans une pratique bienveillante, comment vivre des chocs édifiants et être tendre avec soi-même. À la fin de la pièce, on ne s’est pas vidé ; on s’est nourri », conclut-elle.

Du 26 au 29 mai, à l’Édifice Wilder