Interprète, chorégraphe, compositeur, Jacques Poulin-Denis cumule plusieurs talents et sait en jouer dans ses créations à la croisée des genres. Il présente enfin, après des mois d’attente, sa nouvelle création, le spectacle solo Punch Line, à l’Agora de la danse, dès ce mercredi.

Rencontré une semaine avant la première de Punch Line, Jacques Poulin-Denis avait une petite impression de déjà-vu. Il se revoyait, l’automne dernier, entamer sa résidence à l’Agora de la danse deux semaines avant les représentations de son solo… alors que le Québec entrait dans un deuxième confinement et en forçait l’annulation.

Au départ, c’était une pièce de groupe que le chorégraphe devait créer en octobre 2020 pour l’Agora de la danse, où il est artiste associé. Les mesures sanitaires l’ont forcé à mettre ce projet sur la glace, et le diffuseur lui a proposé de créer, dans un court laps de temps, ce solo, une idée qu’il portait depuis déjà 10 ans.

Le report du spectacle, s’il est venu avec un gros « blues », Jacques Poulin-Denis le voit aujourd’hui d’un bon œil. Car l’artiste, qui a à son actif plusieurs créations pour la scène avec sa compagnie Grand Poney (Running Piece), des collaborations avec divers artistes, dont Mélanie Demers, des trames musicales de pièces de danse ou de théâtre, a pu profiter des derniers mois pour peaufiner sa création.

Entre moi et moi

« C’est une pièce qui parle beaucoup du rapport à soi-même, de cette voix dans notre tête qui nous encourage, ou nous critique. On est à la fois notre pire critique et notre meilleur coach de vie. L’individu se retrouve un peu pris entre les deux », explique Jacques Poulin-Denis à propos de Punch Line.

Seul sur une scène à la scénographie minimaliste, il prend à partie le public, l’interpelle, se raconte. « Il y a beaucoup de texte, c’est très personnel, assez autobiographique, même si j’ai quand même l’impression de jouer un rôle. Ça parle beaucoup de doute, d’insécurité, des multiples facettes de soi-même, des contradictions qu’on porte aussi », détaille-t-il.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Jacques Poulin-Denis

Le titre fait référence à la chute que devrait avoir toute bonne blague. C’est cette « recette » inhérente à la blague, avec sa prémisse, puis sa formule percutante (son punch), qui crée inévitablement une attente — le rire —, qui intéresse le créateur.

« Il y a quelque chose que je trouve complexe dans le système de la blague, cette attente. Ça renvoie aux questions : qu’est-ce que j’attends de moi-même, qu’est-ce que les gens attendent de moi ? Ça dévoile un peu tout son rapport au monde et à soi-même. »

Champs des possibles

Jacques Poulin-Denis a grandi en Saskatchewan dans une petite communauté francophone. Très jeune, il s’initie aux arts de la scène, avec une compagnie de théâtre francophone communautaire, et explore la composition musicale.

Dans ces grands espaces à l’horizon qui s’étire à l’infini, il a pu se construire en toute liberté, ouvrant les champs des possibles. « Ça a vraiment forgé mon tempérament, l’impression que tout est possible, qu’on peut faire beaucoup avec peu », fait-il remarquer.

Punch Line
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Il déménage ensuite au Québec, où il découvre la danse contemporaine. « J’ai un peu découvert l’art suprême ! C’était une forme d’art qui me permettait d’être en performance, de travailler la musique… Il y avait quelque chose de très libre là-dedans pour moi. »

C’est en 1999, en route vers Toronto, où il devait commencer quelques jours plus tard sa formation à la School of Toronto Dance Theater, que sa vie bascule, alors qu’un accident lui fait perdre l’usage du pied droit — il porte aujourd’hui une prothèse. « C’était très symbolique, sur la route entre Montréal et Toronto. C’était très évident que ce n’était pas la route que je devais suivre. Mais qu’est-ce que c’était alors, la route ? »

Cet évènement n’est pas étranger au goût de l’artiste pour l’interdisciplinarité, la rencontre des genres. « Je me suis un peu défini comme ça, dans l’éclatement multifacette. Je ne veux pas qu’on me mette dans une case. Je suis toujours un peu en réaction contre ça ! »

Faire un spectacle, c’est créer une expérience. Et tous les moyens peuvent être bons pour y arriver. C’est comme faire de l’alchimie, en mélangeant des éléments pour trouver la bonne solution, le bon ton.

Jacques Poulin-Denis, danseur, chorégraphe et compositeur

Ce sujet, le créateur a toujours été réticent à l’aborder, refusant que son handicap le définisse comme personne, et comme artiste. Dans Punch Line, il a fini par s’inviter, par la bande. « Il y a une partie de moi, et ça, on le retrouve dans le spectacle, qui fait de l’évitement. Même si j’ai fait des œuvres qui ne portaient pas sur le sujet, c’est tellement inhabituel que la question revient toujours, mais je trouvais toujours une façon de l’éviter. »

Pas cette fois… Du moins, pas totalement. Comment ? On a promis de garder le punch…

Du 14 au 16 et du 20 au 23 avril, à 18 h, les 17 et 24 avril, à 16 h, supplémentaires du 27 au 30 avril à 18 h à l’Agora de la danse, également offert en webdiffusion du 23 au 30 avril.