On avait adoré Relation publique, sa précédente pièce, satire baroque et déjantée des milieux artistiques, présentée en 2006 à la Cinquième salle de la Place des Arts. Caterina Sagna, chorégraphe italienne saluée partout en Europe pour sa façon tragico-loufoque de plonger dans l'envers des choses, revient à Montréal avec Basso ostinato, oeuvre majeure, applaudie dans 22 villes françaises, en Belgique et au Brésil.

Cette fois, la sobriété en noir et blanc remplace l'explosion de couleurs de Relation publique. Trois danseurs sont attablés à la fin d'un repas tandis que la télévision diffuse un ballet. Un digestif, puis un autre, et les trois hommes peu à peu plongent dans leurs souvenirs sarcastiques, caustiques, ressassant leur vécu de danseurs. Souvenirs noirs, et ce ressassement s'installe derrière cette scène bien quotidienne, comme un tempo de fond, obstinément prégnant, décapant, derrière l'apparente affabilité.

 

Basso ostinato (basse obstinée) est une indication musicale qui renvoie à la répétition d'une combinaison rythmique de la partie la plus basse de la composition. Sur ce tempo mélodique répété comme une pulsation se greffent les autres instruments. On comprend le lien: dans la pièce de Sagna, la gestuelle, les paroles, les relations entre les trois danseurs, tout se décompose pour révéler le côté obscur, caché, de la situation.

Critique à la fois des relations sociales et des relations intimes, c'est comme un souper joyeux qui glisse vers le drame: «C'est une sorte de pourrissement de l'intérieur qui dégrade l'extérieur, commente Caterina Sagna, jointe par téléphone à Venise. Les gestes, les dialogues, le décor se désagrègent, mais il s'agit plus d'une plongée dans les profondeurs mais sans lourdeur. Je n'ai d'ailleurs pas voulu donner une vision uniquement pessimiste, mais au contraire créer un sursaut, une énergie positive de changement, par la mise en scène de l'envers du décor.»

L'apparition de la vérité invite en effet au changement. Or l'ouverture, sur le plan intime autant que social, semble ici le but de la chorégraphe: «Être trop centré sur soi gangrène les relations; ici, j'essaie de plaider pour l'ouverture sur autrui. Les danseurs plongent vers un lieu intime, dans lequel apparaît l'ambiguïté. Tout se passe autour d'une simple table, qui devient le pôle magnétique de la pièce. C'est une pièce sobre, brute, organique, où tout est extrêmement contrôlé, chaque geste, chaque contact entre les danseurs. D'ailleurs, ils doivent être très précis, car le moindre écart de justesse d'interprétation peut faire que cela ne fonctionne plus. Mes danseurs sont très subtils et suivent précisément la partition. La moindre fausse note pourrait casser l'ensemble.»

Obstinément révélatrice, Caterina Sagna, dont le retour est très attendu à Montréal dès ce soir à la Cinquième salle.

Chanti Wadge Transatlantique

Presque la fin de la brillante prestation 2008 de Transatlantique Montréal avec une soirée composée des pièces de deux solistes hors pair, hors-normes et transculturelles: Meena Murugesan avec Aval, sur le thème de la quête d'identité, et Chanti Wadge avec One Hundred Returnings, autour du lieu entre microcosme humain et macrocosme cosmique. Au MAI, du 1er au 4 octobre.

 

À l'agenda

Basso ostinato, de Caterina Sagna, jusqu'à samedi à la Cinquième salle.

Aval, de Meena Murugesan, et One Hundred Returnings, de Chanti Wadge, jusqu'à samedi au MAI.

Danses buissonnières à Tangente, du 2 au 5 octobre.