La semaine dernière, à l'Agora de la danse, les quatre lauréats du premier concours chorégraphique des Grands Ballets Canadiens de Montréal ont dévoilé leurs créations. Tous ont fait honneur à ce nouveau concours, qui encourage la création et soutient les jeunes chorégraphes canadiens émergents, en signant des pièces très personnelles.

Si Jean-Sébastien Couture a raflé le vote populaire pour son amusant Ahh..! et ainsi gagné le prix du public David-Sela, c'est sans conteste Tiffany Tregarthen qui serait, entre tous, prête pour les ligues majeures. La Vancouveroise a signé Côtes flottantes, un petit bijou bien ficelé, inspiré par le dessin de deux femmes soudées à la taille. Cette image déjà forte, elle la laisse éclore jusqu'à la rendre mémorable. De bête étrange, admirablement interprétée par Vanesa Montoya et Marisa Pauloni, elle en fait un être à deux faces, aussi séduisant que retors. Puis, elle fait progresser l'histoire, lançant un splendide éphèbe en pâture à sa Gorgone, scellant, du coup, la sensualité provocante de l'affaire. La créature se démultiplie même en trois, au prix, cependant, de quelques longueurs. Cela dit, Tregarthen est la seule des quatre lauréats qui a osé l'asymétrie dans ses structures de groupe, préférant opposer trois femmes à un homme plutôt que de jouer du traditionnel doublé homme-femme.

 

Shay Kuebler la joue aussi sexy que Tregarthen, mais Contrapasso est hargne plus que sensualité. À l'harmonie de ses jeux de groupe et de ses duos, structurés de manière très géométrique, Kuebler oppose une gestuelle violente qui écartèle les danseurs et les laisse dans un état de déséquilibre constant, autant physique qu'émotif. Il réussit par ce simple contraste entre forme et fond à créer un sentiment d'inconfort chez le spectateur, dans cette création inspirée de l'Enfer de Dante. On sent parfois les danseurs des GBCM mal à l'aise avec le côté brut et acrobatique de la gestuelle de Kuebler, mais il les a certainement mis au défi.

Dans The Gaze, Lacey Smith évoque le rituel. Ses danseurs sont magnifiques, leurs lignes nettes et sa gestuelle, mue par la respiration audible des interprètes, s'avère des plus sensuelles. Mais The Gaze souffre d'un manque de structure, la chorégraphe a du mal à exploiter l'espace et le quatuor devient vite redondant. Dommage, parce qu'on sent un réel regain d'inspiration et de sens au cours des dernières minutes. Il faudrait peut-être écourter pour ne garder que l'essentiel.

À partir de quelques accessoires inusités et de musique très typée, Jean-Sébastien Couture déploie, en rafale, de courtes vignettes sur la dynamique de couple, dont certaines sont très originales. Les yeux bandés, cloués sur place par d'affreuses bottes de ski ou prisonniers d'une immense robe de mariée, ses amoureux en rament un coup pour trouver l'harmonie. Il ose même un pendu s'évertuant au bout de sa corde! La construction en tableaux relève davantage de l'exercice de style et Ahh..! gagnerait à être élagué, mais l'imagination de Couture promet.