La salle de spectacles indépendante gérée par Michel Sabourin et Rubin Fogel pendant 40 ans a été vendue à la boîte LABE — Let Artists be — propriétaire de la salle Le Ministère, qui conservera sa vocation, c’est-à-dire de faire découvrir des artistes locaux et internationaux.

LABE, qui est également une maison de disques depuis une vingtaine d’années (Belle Grande Fille, Brigitte Saint-Aubin, Alex Nevski, etc.) et propriétaire de la Boîte culturelle et du Studio B-12, s’est engagée à maintenir en poste tous les employés actuels du Club Soda.

Son président fondateur, l’entrepreneur Louis-Armand Bombardier, qui est le petit-fils de Joseph-Armand Bombardier, a confié à La Presse avoir entamé les discussions avec Michel Sabourin qui était jusqu’à présent le président du Club Soda, dès 2018.

« Après avoir ouvert le Ministère, en 2017, ça s’est dessiné en moi. On s’est rendu compte que ça se faisait bien, j’avais une superbe équipe, dont une partie des employés de l’ancien Cabaret du Mile End. J’ai recroisé Michel après avoir remporté le Félix de la salle de spectacle de l’année en 2018. Je lui ai dit : tu sais Michel, j’ai toujours aimé ta salle, je m’y sens chez moi, donc si tu penses faire une passation, pense à moi ! »

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’entrepreneur Louis-Armand Bombardier est le nouvel acquéreur du Club Soda.

Le message n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Les discussions ont repris vers la fin de la pandémie, une période extrêmement difficile pour les salles indépendantes. Il y a environ neuf mois, l’entente s’est à peu près conclue. Ne restait que la vérification au préalable.

Michel Sabourin, qui est aussi le porte-parole de l’Association des salles de spectacles indépendantes du Québec (ASSIQ), s’est dit « soulagé », mais aussi « triste ».

« J’ai de la misère à en parler sans émotion, commence-t-il par nous dire. Mais on trouvait que Louis-Armand était un acheteur intéressant, qui promettait de poursuivre la mission du Club Soda. Une entreprise montréalaise, qui possède une autre salle de spectacle, qui possède aussi un studio de création, j’aime cette approche horizontale qui donne des possibilités aux artistes. »

Louis-Armand Bombardier s’est dit honoré de prendre la relève de Michel Sabourin et Rubin Fogel. « Je l’ai vécu lorsque mes parents ont dû démantibuler l’entreprise familiale, c’était leur bébé… Donc je comprends très bien Michel et Rubin, c’est leur bébé, c’est un gros geste qu’ils font, mais on veut bien faire les choses, faire honneur aux bâtisseurs du Club Soda. »

LABE n’a pas révélé le montant de la transaction, mais d’après Louis-Armand Bombardier, il ne l’a pas acheté pour « une couple de hot-dogs ». Malgré ce qu’on pourrait croire, ça n’a pas été une vente de feu. « C’est sûr que la pandémie a fait mal à tout le monde, mais le Club Soda est une entreprise qui marche très bien », nous dit-il.

L’acquisition du Club Soda permettra à LABE d’avoir une offre complémentaire à celle du Ministère, une salle d’à peine 250 personnes, qui sert essentiellement à des lancements « Le Club Soda est la plus petite des grandes salles avec une capacité de 900 personnes, donc c’est sûr qu’on va pouvoir produire des spectacles plus importants ici. »

Il reste que Michel Sabourin s’est publiquement inquiété de la survie des salles indépendantes comme le Club Soda, évoquant à de nombreuses reprises la pénurie de la main-d’œuvre, le manque de techniciens et l’achalandage déficient… Comment le nouvel acquéreur envisage ces nouveaux défis ?

« Ça fait partie de notre plan de relance, nous dit l’entrepreneur de 47 ans. De notre plan de relève. Je suis engagé à l’ADISQ où je ferai valoir mes préoccupations à propos des labels et des salles, on a une pépinière de création au Ministère avec plusieurs employés qui pourront travailler au Club Soda aussi. On travaille avec l’école Musitechnic à la formation de futurs techniciens, donc on est prêts à relever les défis. »

Des travaux d’amélioration seront réalisés à plus long terme, mais ce n’est pas la priorité de LABE pour le moment. « On est en mode intégration et stabilisation, on y rêve depuis assez longtemps, nous dit Louis-Armand Bombardier, notre défi en ce moment, c’est de ne pas l’échapper. De porter le flambeau au mieux de notre capacité. »

Une salle mythique

Michel Sabourin n’a pu s’empêcher d’évoquer les balbutiements de la salle de spectacle d’abord sise sur l’avenue du Parc dans les années 1980.

« Dès le départ, on a établi le concept des one-nighters, c’est-à-dire des artistes qui jouent un soir ou deux, nous dit Michel Sabourin. Au début des années 1980, Claude Meunier et Serge Thériault [Ding et Dong] ont lancé les Lundis des Ha ! Ha ! C'était une idée de Louise Richer. C’est ce qui a mis le Club Soda sur la mappe. »

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le cofondateur du Club Soda, Michel Sabourin

Avec Rubin Fogel, qui s’occupait du booking des artistes anglophones, Michel Sabourin formait une équipe de feu. Plusieurs artistes ont démarré leur carrière dans cette salle.

« Le Club Soda a vraiment été un tremplin pour plusieurs artistes, nous dit encore Michel Sabourin. Daniel Bélanger, Jean Leloup, Lhasa de Sela ont tous fait le Club Soda avant d’aller au Spectrum. Le Groupe Sanguin devait se produire trois ou quatre soirs, finalement il a donné 80 shows ! »

Le déménagement de la salle en l’an 2000 dans un ancien cinéma du boulevard Saint-Laurent — son lieu actuel — a permis aux propriétaires d’accéder à une salle encore plus grande dans un secteur qui n’a pas toujours été bien fréquenté…

« Mon plus bel accomplissement a été d’avoir été fidèle à notre mission de faire découvrir des artistes québécois, nous dit Michel Sabourin. On a accueilli des shows des Francos, des Francouvertes, on a donné une chance au rap. Mais ma plus grande fierté est d’avoir fait partie d’un petit groupe d’entrepreneurs du milieu artistique et d’avoir proposé au Sommet économique de Montréal en 2001 de créer un Quartier des spectacles. Un quartier où le Club Soda s’est retrouvé au centre. »

Le Club Soda en quelques dates

1983
Le cabaret du Club Soda est ouvert avenue du Parc, à Montréal, par l’animateur de télévision Guy Gosselin et d’autres partenaires, dont le cinéaste André Gagnon et Martin Després. Boule Noire (George Thurston) inaugure la salle.

1984
Michel Sabourin et Rubin Fogel font l’acquisition du Club Soda avec Martin Després (avant de se séparer de ce dernier) et en font l’établissement que l’on connaît en y présentant des spectacles d’humour, de chanson et de rock.

2000
Le Club Soda déménage sur le boulevard Saint-Laurent, juste au sud de la rue Sainte-Catherine, dans un ancien cinéma à l’italienne transformé par l’architecte Luc Laporte. La mission demeure : faire découvrir des artistes locaux et internationaux.

2023
La boîte LABE – Let Artists Be, fondée et dirigée par Louis-Armand Bombardier, fait l’acquisition du Club Soda.