Le FTA propose toujours une programmation extérieure gratuite, qui donne souvent lieu à de belles rencontres entre un public bigarré et les artistes. C’est le cas avec la très belle pièce Creation Destruction, de Dana Gingras.

Inaugurée l’an dernier, la superbe esplanade Tranquille ajoute du panache au Quartier des spectacles. C’était beau de voir la place remplie jeudi – des gradins temporaires en passant par les côtés de la scène, jusqu’au public rassemblé sur la terrasse de l’édifice qui accueille divers espaces communs. Alors que le crépuscule s’avançait sur la ville, et que la nuit se parsemait d’étoiles, dans l’air brouillé par le malheureux incendie de la Chapelle du Bon-Pasteur, il y avait là un petit parfum de fin du monde qui se mélangeait à la beauté du paysage.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

L’installation vidéo, très réussie, est l’œuvre du collectif londonien United Visual Artists.

Plus haut

Une table parfaitement mise pour cette création dont la prémisse est le pouvoir autant créateur que destructeur de l’être humain, sous-tendue par la crise climatique qui n’est pas évoquée de façon frontale, mais dont l’ombre plane.

Dana Gingras sait toujours mettre le doigt sur ces failles qui peuvent à la fois causer la perte ou l’élévation des hommes.

Elle a aussi l’habitude pour ses créations chorégraphiques au style assez dépouillé et minimaliste de collaborer avec des créateurs d’autres disciplines pour les élever vers d’autres cieux, ce qu’elle fait ici avec brio et qui fait toute la force de Creation Destruction.

  • Sur scène, 11 interprètes, 12 musiciens et chanteurs

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    Sur scène, 11 interprètes, 12 musiciens et chanteurs

  • L’ombre du corps d’une danseuse se détache de l’écran pixelisé.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    L’ombre du corps d’une danseuse se détache de l’écran pixelisé.

  • La création autant que la destruction dont l’homme est capable sont le moteur de cette création.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    La création autant que la destruction dont l’homme est capable sont le moteur de cette création.

  • La nuit tombe sur l’esplanade Tranquille pendant la pièce.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    La nuit tombe sur l’esplanade Tranquille pendant la pièce.

  • La talentueuse interprète Stacey Désilier fait partie de la création.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    La talentueuse interprète Stacey Désilier fait partie de la création.

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Encore une fois (c’était le cas avec la géniale pièce Monumental), elle a fait appel à quatre musiciens du mythique groupe montréalais Godspeed You ! Black Emperor afin de composer la trame sonore qui accompagne cette pièce dont la création a été fortement influencée par la pandémie et la distanciation physique. Sur scène, leur musique aux basses puissantes, d’une beauté inquiétante, presque apocalyptique, était sublimée par quatre musiciens à corde et quatre chanteurs. Au centre de l’arrière-scène, on pouvait admirer l’installation vidéo du collectif londonien United Visual Artists, avec lequel la chorégraphe collabore pour la seconde fois, dont les pixels dansent sans fin, matière en constante transformation formant atomes, planètes, nuits constellées d’étoiles, écrans brouillés, visages aux multiples formes changeantes. Absolument magnifique.

Crescendo spiralé

La pièce se présente sous la forme d’un crescendo – à l’image de la musique de Godspeed – en trois temps. Le mouvement en spirale y est omniprésent. Sur scène, les 11 danseurs évoluent ; atomes libres, ils s’attirent et se repoussent, gravitant en orbite autour d’un centre commun.

La gestuelle est dépouillée, en lenteur, éthérée. On y plonge en mode contemplatif et méditatif, alors que les danseurs, vêtus de survêtements aux couleurs fluorescentes, s’illuminent sous les blacklights. Visuellement, c’est magnifique, même si parfois l’interprétation nous a semblé moins habitée, inégale, un peu crispée en début de parcours.

Le mouvement suit le crescendo de la musique, gagnant en amplitude, alors que les danseurs, plus laxes et souples, dans leurs vêtements désormais aux teintes monochromes, s’élancent dans la nuit, s’élèvent, se cambrent. En unisson, puis décalés, ils se retrouvent encore, recommencent, refont le même chemin, retracent leurs pas. Après la montée dramatique qui se termine en chute brusque au sol, le troisième mouvement se reconstruit, dans les décombres. Ensemble, ils constatent la destruction du monde, mais aussi la puissance du collectif et l’acte créateur pour, peut-être, arriver à le réinventer.

Creation Destruction

Creation Destruction

De Dana Gingras

À l’esplanade Tranquille, Les 26 et 27 mai, à 20 h 45

7,5/10