Michel Fugain a entrepris à la fin d’avril une tournée québécoise de 15 spectacles en 4 semaines. Nous avons suivi dans les coulisses l’énergique et généreux chanteur qui aura 81 ans dans deux jours, et qui après 60 ans de carrière a toujours autant d’appétit pour la vie et la scène.
La préparation
Dimanche 30 avril, 16 h. Le test de son est déjà commencé lors de notre arrivée au Zénith de Saint-Eustache, petite mais moderne salle de spectacle située dans le complexe de cinéma. Du côté de la scène, on peut voir Michel Fugain assis à une table, face à ses quatre musiciens. Il chante Dans 100 ans peut-être, et on reconnaît tout de suite son timbre de voix clair et riche. Puis les cinq compères s’arrêtent, discutent, reprennent, s’arrêtent de nouveau pour préciser un détail ou une note, recommencent. Toujours dans la bonne entente et l’écoute, le sourire aux lèvres.
« Je n’ai pas vu ça souvent, quelqu’un d’aussi gentil », nous glisse dans les coulisses le directeur de tournée, Dominique Romano, qui travaille avec la légende de la chanson française pour la première fois. « Tout se passe dans la bonne humeur, il est toujours avec eux, toujours en gang, dans les loges, pour manger. » Il ajoute en souriant : « Il est tellement fin, c’est presque énervant ! »
Cette configuration « regroupée » est assez inusitée pour un test de son, fait-on remarquer un peu plus tard à Michel Fugain, lors d’une courte entrevue (directement sur la scène). Il s’exclame. « Mais vous savez comment s’appelle ce spectacle ? Michel Fugain fait Bandapart. C’est le nom de ce groupe, parce qu’ils sont bons, ils sont à part. » Il travaille avec les quatre mêmes musiciens depuis « des dizaines d’années » déjà, et le test de son est justement le moment où ils se retrouvent pendant la journée. « Je suis le chanteur de la bande, c’est tout ! Ce sont des amis, des potes, des vrais de vrais. Et je suis assez content, parce que l’équipe québécoise a assez vite fait bande à part aussi. »
Peut-être parce qu’il a un certain talent pour rassembler les gens autour de lui, et ce, depuis la glorieuse époque du Big Bazar ? Il opine, estime qu’il n’est « pas plus que le mec qui entretient la chaleur entre les gens ». Un rôle qu’il aime bien.
« Je pense être un fédérateur. Mais on n’est pas fédérateur comme ça ! Vous n’arrivez pas à fédérer si vous n’êtes pas vous-même généreux, respectueux des gens qui composent l’équipe. Ça part de là. Tout le monde a besoin que chacun donne le meilleur de soi, pour que le spectacle soit le plus nickel possible. »
L’attente
Le Québec
Dans les minutes avant le spectacle, Michel Fugain est dans les coulisses, très concentré – on le voit ici avec Sylvain Lussier, responsable du « retour son » sur la scène. Ce dernier fait partie de la petite équipe technique québécoise « carrément mortelle » qui accompagne le chanteur, un habitué du Québec depuis ses débuts. « En général, on termine ça à Rouyn-Noranda ou Val-d’Or ! Mon premier spectacle ici, c’était en 1969, à Matane. J’ai la chance d’être reconnu, presque amicalement, par les Québécois. »
La relation s’est bâtie sur des décennies et il n’a jamais été question pour lui de n’être que « de passage ». Chaque fois que Michel Fugain revient ici, une foule de souvenirs l’habitent. Il les lance pêle-mêle dans la conversation, que ce soit son amitié avec Max Gros-Louis ou cette période, vers 1976, où il s’est installé pour 21 concerts à la Place des Arts. « On vivait dans les Laurentides… C’est absolument inoubliable. Ça fait partie de ma culture. Il y a forcément du Québécois qui est entré en moi. »
La scène
Le spectacle
Dès que Michel Fugain met les pieds sur la scène, on sait qu’on passera un bon moment. Chaleur, humanité, énergie, c’est tout ce qui se dégage instantanément de sa présence… en plus d’un répertoire qui a fait ses preuves du côté de la joie de vivre : Chante, Soleil, Je n’aurai pas le temps, Attention mesdames et messieurs, Fais comme l’oiseau… tous ses grands succès des années 1970 et du Big Bazar. « Ça fait 50 ans, hein ! », nous rappelle-t-il gentiment et avec humour, mais il les interprète les yeux fermés et les bras ouverts, dans toute sa grande générosité. Il esquisse les mêmes pas de danse qu’à l’époque, un peu de cha-cha, quelques tours sur lui-même, sans pied de micro, alerte et solide. Le tout pendant deux heures et quart sans entracte, un tour de force même pour des artistes pas mal plus jeunes que lui.
Plein d’autodérision, mais aussi de fierté, Michel Fugain passe beaucoup de temps à raconter l’histoire de chaque chanson et toutes sortes d’anecdotes. Il a d’ailleurs amené avec lui les photos de deux de ses paroliers aujourd’hui disparus, Pierre Delanoë et Maurice Vidalin, ses « pères fondateurs ». Il nous transporte aussi dans des chansons moins connues du grand public, mais qui sont franchement jolies – Je laisse, par exemple, sorte de testament qu’il a écrite il y a environ 25 ans, ou les toutes récentes Un sourire et La rue du temps qui passe.
« Les années guitare/C’est des années qu’on n’oublie pas/Trois notes et deux mots/Qui laissent des traces », chante Fugain dans Les années guitare. Des traces à la valeur inestimable, qu’on s’est dit lorsque le monsieur devant nous a essuyé ses larmes sous ses lunettes pendant Une belle histoire, puis quand sa compagne a levé les bras de joie au début de La fête, et lors de l’ovation spontanée à la fin de Bravo monsieur le monde, et en voyant tous ces sourires qu’il a su imprimer sur les visages grâce à sa vitalité joyeuse – on vous jure qu’il a dansé jusqu’à la dernière chanson.
À la fin du spectacle, le chanteur est resté debout seul sur la scène, prenant les applaudissements comme si c’étaient les derniers. Ou les premiers. Ce n’est pas pour rien qu’il sait si bien chanter la vie.
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