Pionnière de la danse moderne au pays, Margie Gillis souligne ses 50 ans de carrière avec Old, son solo qui sera créé à l’Agora de la danse. L’artiste se demande « comment vieillir », dans un monde propulsé par la jeunesse et la nouveauté. Avec amour et sagesse.

« Les vieux ne bougent plus. Leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit », chante Jacques Brel dans Les vieux, sa bouleversante chanson sur « le naufrage » de la vieillesse. Pas pour Margie Gillis. La danseuse bouge et bougera encore, animée de l’intérieur par une source lumineuse qui la pousse toujours à danser.

« Il faut voir la vieillesse comme quelque chose de beau, de naturel, puis l’accueillir à bras ouverts, au lieu de la rejeter avec des moyens artificiels », confie l’artiste en entrevue, en précisant le thème de son nouveau solo, Old, qui prendra l’affiche cette semaine.

Margie Gillis aura 70 ans en juillet prochain. Elle est toujours aussi belle et charismatique, avec sa longue crinière qui bouge pendant qu’elle parle.

Au milieu de l’entrevue, elle se lèvera pour illustrer ses propos, et se mettra à danser une ou deux minutes pour le représentant de La Presse, dans la belle lumière d’hiver du café de l’Espace Wilder.

Selon elle, nos corps vieillissants doivent toujours puiser et renouveler l’énergie pour avancer… Malgré leurs faiblesses. « Bien sûr, nos capacités intellectuelles et physiques diminuent avec l’âge. C’est pour ça qu’on doit changer notre façon de voir les choses de la vie. On peut s’alimenter différemment, choisir d’autres types d’activités, entre autres », explique la danseuse et chorégraphe.

PHOTO SASHA ONYSHCHENKO, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Dans Old, Margie Gillis nous invite à accepter avec empathie nos deuils et nos pertes en vieillissant.

Margie Gillis parle en connaissance de cause, car sa famille a de bons gènes. L’une de ses tantes a franchi le cap des 100 ans, l’an dernier, et elle sourit toujours à la vie. « Quand ma tante a eu 95 ans, elle a fait un saut en parachute, parce qu’elle était devenue trop vieille pour faire du bungee ! », dit-elle, en sortant une photo de l’exploit sur son téléphone.

L’air du temps

Pour Margie Gillis, danser est un besoin. Comme respirer. Depuis sa jeunesse, la danse lui a permis de transformer sa vulnérabilité, la fragilité qui l’habite à chaque instant de sa vie, en quelque chose de fort et de puissant. Comme une rivière qui se déverse dans le mouvement. « Lorsqu’on comprend que notre vulnérabilité est un cadeau, et non un défaut, on devient plus sensible aux gens autour de nous, à la nature, à la planète, etc. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’art de Margie Gillis puise dans la force et la fragilité de la vie.

Sa vie est une suite de rebondissements sur ce thème. Enfant, elle a été très malade et a perdu tous ses cheveux jusqu’à l’adolescence. À 20 ans, alors qu’elle commence à faire des spectacles, on lui dit que sa carrière de danseuse soliste durera deux ou trois ans, tout au plus. « Je ne pouvais même pas trouver un agent pour organiser mes tournées », se souvient-elle.

Il faut dire que son style à l’époque (un croisement entre Isadora Duncan et Pina Bausch, disait-on) ne collait pas au formalisme de la danse moderne.

J’ai voulu m’éloigner de la technique, pour aller vers une gestuelle plus naturelle, organique. Ma gestuelle se nourrit du continuum de la vie, de l’énergie dans l’univers. Je ne cherche pas une forme ou un point précis. Aujourd’hui, je suis contente lorsqu’on me dit que j’ai ouvert des portes à d’autres chorégraphes.

Margie Gillis

Dans Old, Margie Gillis nous invite donc à accepter avec empathie les deuils et les pertes sur le chemin de la vie. A-t-elle peur de vieillir ? « Oui, ça me fait peur. Tout ce qui est mystérieux fait peur. Or, on doit laisser le passé derrière et aller de l’avant, vers un monde inconnu, instable, flou… Mais inévitable. »

« Au fond, il faut cultiver sa curiosité, poursuit-elle. Quand on est curieux, on ne craint pas le mystérieux. On est ouvert à la découverte, à l’inconnu, aux nouveaux mouvements de la vie. Mon choix sera toujours du côté de la nature, et non de l’artifice pour rester jeune. »

Après 50 ans de carrière et 150 créations (solos, duos, pièces collectives), la danseuse pense-t-elle cesser de travailler un jour ? « Oui parfois, j’envisage la retraite… Mais j’ai encore trop d’idées à explorer avec mon art et avec ma fondation. Je suis constamment en mode recherche dans ma tête. »

« Forever young », peut-on conclure.

Du 9 au 12 mars, à l’Agora de la danse (Édifice Wilder) à Montréal.

Consultez le site de l’Agora de la danse