Le collectif de cirque montréalais explore depuis quelques mois de nouvelles pistes narratives. Carry Me Home, sa nouvelle pièce acrobatique en multiréalité, puise à la fois dans l’univers du spectacle vivant, du film d’animation, du jeu vidéo et du concert de musique rock.

Mercredi soir, le cofondateur des 7 Doigts, Samuel Tétreault, attache les derniers fils de Carry Me Home dans le studio du collectif, boulevard Saint-Laurent, à Montréal. À compter de ce jeudi, cette coproduction menée avec la vancouvéroise Shocap Entertainment sera présentée trois soirs devant un public de 125 personnes et simultanément dans un Livestream.

Shocap, qui se spécialise dans la capture de mouvements pour la conception de jeux vidéo ou de films d’animation, a tendu la main aux 7 Doigts pour mener ce projet dès 2019. Mais ce n’est qu’en février dernier que les deux équipes se sont mises au travail.

La nouveauté ? Au lieu d’insérer les enregistrements de mouvements en postproduction, Shocap a proposé aux 7 Doigts de faire une capture de mouvements en direct. Résultat : la performance des interprètes est captée en temps réel par des marqueurs, tandis que leurs avatars apparaissent dans des univers animés.

Pour ce faire, environ 80 caméras infrarouges ont été installées dans les studios des 7 Doigts pour repérer les mouvements des interprètes-acrobates, qui portent chacun 52 marqueurs dissimulés dans leurs costumes.

Samuel Tétreault aime bien l’image du marionnettiste qui manipule à vue ses marionnettes pour décrire l’effet multiréalité du spectacle. Le spectateur peut donc apprécier la performance live des acrobates qui sont face à lui, mais aussi la projection de leurs doubles virtuels qui évoluent dans des univers visuels fantastiques.

Carry Me Home s’est construit autour du personnage de Didier Stowe, un artiste de cirque réputé, spécialiste du trampomur – qui a notamment joué dans Muse des 7 Doigts et Joya, spectacle permanent du Cirque du Soleil au Mexique.

Il y a quelques années, Didier Stowe a eu une commotion cérébrale qui l’a tenu à l’écart du cirque. Il en a profité pour faire évoluer sa carrière d’auteur-compositeur-interprète. C’est lui qui a composé les chansons enrobant les quatre environnements virtuels de Carry Me Home. Et il les interprète en direct. « On a voulu rentrer dans l’esprit créatif de Didier Stowe, précise Samuel Tétreault. Tous les personnages qu’on voit sur scène sont comme les neurones de Didier », dit-il.

Par exemple, sa pièce Beach Glass fait référence aux morceaux de verre trouvés sur la plage qui ont été polis par le sable. Une image qui lui fait penser aux bouteilles contenant des messages, puis jetées à la mer, résume Samuel Tétreault. Des messages qui ne trouveront donc jamais leurs destinataires…

« À partir de cette chanson et de l’univers proposé par Didier, on a créé un numéro de danse acrobatique, explique Samuel Tétreault. Les interprètes sont sur scène, devant nous, mais leurs avatars sont sur une plage de sable infinie. Et quand on prend du recul, on se rend compte que cette plage se trouve dans une bouteille. »

C’est ainsi que chaque environnement virtuel a été créé, sur les musiques de Didier Stowe, qu’il interprète sur scène, au piano ou à la guitare, mais qu’on retrouve aussi en mode virtuel.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Carry Me Home

Carry Me Home – le titre du spectacle de 45 minutes – est une autre chanson qu’il a composée et qui fait référence aux incendies de forêt dans l’Ouest canadien où sa famille se trouve, et dans laquelle il évoque son désir de les retrouver. On verra aussi des numéros aux anneaux chinois, au cerceau aérien, ainsi que de suspension capillaire !

« On explore de nouvelles façons de raconter des histoires, dit Samuel Tétreault. Tout ça est un immense prototype, mais il y a des choses qui fonctionnent vraiment bien, et on pourrait aller plus loin en proposant un métavers ou un jeu vidéo où les joueurs pourraient interagir entre eux. C’est quelque chose qu’on va développer dans les prochains mois. »

La pandémie n’est évidemment pas étrangère à ces projets virtuels. Les 7 Doigts ont maintenant une division appelée LAB7 qui travaille spécifiquement sur le développement de technologies de capture de mouvement, un moteur de jeux vidéo et des intégrateurs scéniques. « La technologie existe, dit Samuel Tétreault. Si au lieu de tirer sur du monde, on peut se servir de cette technologie pour créer des expériences culturelles et les mettre en lien avec les arts vivants, il y a pour moi une pertinence. C’est le but de cette exploration. On va voir où ça nous mène. »

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