Le décès de Jan Rok Achard, cofondateur de la Tohu et du regroupement En Piste, qui a dirigé l’École nationale de cirque de Montréal pendant 13 ans, continue de faire réagir la communauté circassienne, qui lui rendra hommage dans une dizaine de jours aux studios des 7 Doigts.

Il n’était pas connu du grand public, mais dans le milieu des arts du cirque, Jan Rok Achard était un pilier et l’un de ses plus ardents défenseurs. Il est décédé mercredi des suites d’une longue maladie à l’âge de 79 ans.

Gaétan Morency, qui a cofondé la Tohu avec lui — ainsi que Charles-Mathieu Brunelle et Marc Lalonde — mais aussi le regroupement En Piste, se souvient d’un homme « engagé 24/7 dans son milieu ».

« Il a réussi à structurer un milieu qui n’était pas très organisé et à le faire reconnaître auprès des institutions, notamment dans les différents conseils des arts. Il a travaillé activement pour lui donner une voix. Le cirque, c’était sa vie. »

En Piste, qui est, à ce jour, le seul regroupement des arts du cirque au Canada, compte 600 membres et plus de 80 compagnies de cirque. L’organisme a notamment joué un rôle important en mettant des ressources juridiques à la disposition des artistes victimes de violences sexuelles.

Jan Rok Achard a également dirigé l’École nationale de cirque de Montréal pendant 13 ans — de 1986 à 1999 — succédant au fondateur de l’école Guy Caron.

Il était très proche de ses étudiants, qui l’adoraient. C’est là qu’il a connu les jeunes artistes qui ont fondé le Cirque Éloize ou encore les 7 Doigts. C’est pour ça qu’ils lui rendent hommage aujourd’hui.

Gaétan Morency, cofondateur de la TOHU et d'En Piste

Marc Lalonde, qui a cofondé la Tohu et dirigé l'École nationale de cirque tout de suite après Jan Rok Achard (de 1999 à 2015), se souvient d'un homme d'une «grande générosité». Il estime que le milieu du cirque lui doit beaucoup.

«Jan Rok était un visionnaire, nous dit-il, et quand j'ai pris la direction de l'école, je n'ai eu qu'à mettre en place sa vision. Le concept de la cité des arts du cirque, avec la Tohu, l'école, le Cirque du Soleil, ça vient de lui. L'idée d'un festival de cirque aussi. Donc, c'est quelqu'un qui a bien fait paraître ses successeurs.»

Gaétan Morency, qui a aussi été vice-président au Cirque du Soleil, rappelle que c’est le Cirque qui finançait la Tohu avant qu’elle ne soit reconnue par le gouvernement et qu’elle obtienne un financement public.

Une réputation au-delà du Québec

Jan Rok a également défendu bec et ongles la formation collégiale des élèves de l’École nationale de cirque — que le Cirque souhaitait quelquefois former uniquement pour des numéros spécifiques.

« C’était l’époque où les compagnies de cirque avaient leurs propres écoles, se rappelle Gaétan Morency, mais j’étais au Cirque à ce moment-là et j’étais sensible aux arguments de Jan Rok, donc j’ai un peu joué un rôle de médiateur pour que les élèves complètent leur formation. »

Marc Lalonde rappelle que Jan Rok Achard s'est rapidement fait connaitre des autres directions d'écoles de cirque dans le monde avec qui il a partagé son expertise. «Il ne faut pas oublier qu'il a présidé la Fédération européenne des écoles de cirque. Qu'un Québécois se retrouve à la présidence d'une fédération européenne est quand même incroyable.»

Isabelle Chassé, cofondatrice des 7 Doigts, a étudié à l'École nationale de cirque à l'époque où Jan Rok la dirigeait — à la Gare Dalhousie (aujourd'hui occupée par le Cirque Éloize). Elle se souvient d'un directeur qui était «beaucoup dans le dialogue» avec ses étudiants.

Il avait souvent des conversations très profondes et intenses avec nous. Il s'exprimait de façon très honnête et il était toujours en quête de vérité. Il nous posait beaucoup de questions sur les raisons qui nous poussaient à faire ce qu'on faisait.

Isabelle Chassé, cofondatrice des 7 Doigts

Pourquoi les 7 Doigts ont pris l'initiative de lui rendre hommage dans leurs studios? «Jan Rok nous a accompagné dès le début de notre collectif, répond Isabelle Chassé. Il nous a guidé et il nous a beaucoup aidé à nous structurer. Encore une fois, il savait poser les bonnes questions. Donc, c'était vraiment naturel pour nous de lui rendre hommage.»

Au mois de juin dernier, affaibli par la maladie, Jan Rok Achard avait reçu l’insigne de Compagnon des arts et des lettres du Québec.

L’hommage à Jan Rok Achard aura lieu le dimanche 11 décembre au Studio des 7 Doigts (2111, boul. Saint-Laurent). Parents, amis et collègues sont invités à partir de 13 h 30. La cérémonie et les prises de parole commenceront à 15 h 30.