Après Ticketmaster et StubHub, au tour de la multinationale de l’évènementiel Fever, derrière les populaires bals Harry Potter et Bridgerton, d’être visée par une demande d’action collective au Québec en raison de frais de service « cachés ».

La demande, déposée lundi en Cour supérieure, « vise à obtenir le remboursement des frais de gestion payés par les consommateurs québécois qui ont acheté un billet pour un évènement sur le site web de [Fever] ou sur son application mobile depuis le 28 mai 2019 ».

La situation à l’origine de l’action collective concerne l’expérience immersive Harry Potter – Le grand bal de Noël, qui se tiendra au Salon 1861, à Montréal, du 25 novembre prochain au 29 janvier 2023. De nombreuses dates affichent complet.

Le représentant du groupe, Michel Plunus, a dû débourser des frais de gestion de 22,80 $ à l’achat d’« un billet d’entrée standard adulte et un billet d’entrée standard jeune » pour cet évènement.

« Le demandeur a payé pour des frais non inclus dans le prix annoncé, ceux-ci n’ayant été ajoutés par [Fever] qu’au moment de finaliser l’achat des billets », peut-on lire dans la demande d’autorisation.

Selon l’article 224 de la Loi sur la protection du consommateur, en vigueur depuis 2010, « aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé ».

« Le prix tout inclus que vous annoncez doit inclure les frais de service ou d’administration et les frais obligatoires liés à la livraison du billet », précise l’Office de la protection du consommateur.

Dommages punitifs demandés

M. Plunus a contacté le service à la clientèle de Fever pour obtenir un remboursement, en vain.

« Considérant que la loi est en vigueur depuis plus d’une dizaine d’années et que Fever est au courant, on demande aussi des dommages punitifs de 100 $ par membre qui aurait payé des frais », explique Jimmy Lambert, de Lambert Avocats, responsable du dossier.

Selon lui, plusieurs dizaines de milliers de clients pourraient être touchés par la demande d’action collective.

Consultez l’action collective sur le site de Lambert Avocats

Des écarts de 15 %

La Presse a fait l’exercice sur la plateforme marchande de Fever, FeverUp. Le prix annoncé pour une « entrée standard adulte » à Harry Potter – Le grand bal de Noël se chiffre à 85 $ pour certaines dates. Or, une fois que le client a cliqué sur « Acheter » et s’est enregistré, le récapitulatif de l’achat affiche une somme de 97,90 $. Des frais de gestion de 12,90 $ ont donc été ajoutés en cours de transaction. Il s’agit d’une différence d’environ 15 %.

Cet écart est similaire pour tous les évènements organisés par Fever à Montréal et à Québec. L’entreprise établie à New York organise notamment la série Candlelight, des concerts éclairés à la bougie autour de thèmes – musiques de films, spécial des Fêtes, le meilleur du rock – ou de personnalités comme Taylor Swift, les Beatles ou encore Adele. Le concert hommage à la diva britannique, parmi une trentaine d’autres exemples, est affiché à 30 $ pour le 7 décembre ; il en coûtera en réalité 34,49 $ une fois les « frais de gestion » ajoutés.

De mai à juillet dernier, Fever et Netflix ont organisé l’expérience immersive Le Bal de la Reine – Une expérience Bridgerton à Arsenal, dans Griffintown. Le même « stratagème » de frais cachés, soutient Lambert Avocats, a été utilisé.

Cette pratique ne sert en réalité qu’à dissimuler le prix réel des billets et équivaut à l’exploitation des consommateurs.

Extrait de la demande d’action collective

« Certaines compagnies peuvent ignorer la loi québécoise, mais Fever organise [aussi] des activités où il n’ajoute pas de frais de gestion », explique MLambert, en faisant référence à Expérience vélo et spa bien-être à Montréal et Visite libre de Montréal à vélo. « Il accepte parfois de mettre un prix tout inclus. Alors ce n’est pas de l’ignorance, c’est de la mauvaise foi. »

Fever, fondée à Madrid en 2011, produit des évènements immersifs et propose différents services aux organisateurs. En février dernier, l’entreprise a attiré des investissements de 227 millions US lors d’un tour de table mené par Goldman Sachs, un record pour une jeune pousse dans l’industrie du divertissement.

Des miettes pour les clients de Ticketmaster

En 2019, une demande d’action collective contre Ticketmaster s’est soldée par une entente à l’amiable. En contravention de « la loi sur les prix tout compris en vigueur au Québec », le géant de la billetterie s’est engagé à remettre un maigre crédit de 7 $ aux clients du site du 23 juin 2013 au 24 mai 2017. En 2020, c’est le site de revente StubHub qui a reçu l’aval de la cour pour une entente de règlement : le crédit offert aux spectateurs lésés a été fixé à 24,29 $. « Depuis Ticketmaster, des dossiers sont allés beaucoup plus loin sur le fond », note Jimmy Lambert, qui précise que la jurisprudence est de plus en plus claire. « Environ 90 % des dossiers similaires finissent en règlements hors cour. Maintenant, notre représentant est très sérieux, très investi. Il n’acceptera pas un règlement bonbon. Fever n’a aucun moyen de défense. Ils sont cassés. »