C’est à un spectacle charmant, poétique, parfois spectaculaire et un peu trop bavard que nous convient Les 7 doigts avec Mon île, mon cœur, lettre d’amour à Montréal qui est présentée dans le tout nouveau Studio-Cabaret de l’Espace St-Denis.

À force d’avoir le nez collé dessus, on a tendance à ne voir que les mauvais côtés de Montréal. À travers la lorgnette des 7 doigts, et de ses acrobates qui ont adopté la ville à un moment ou un autre de leur vie – « Qui ne se souvient pas de sa première arrivée ? », demande le maître de cérémonie Didier Lucien en début de spectacle –, la ville se retrouve joyeusement magnifiée, exultante et vibrante, jamais loin des clichés de carte postale, mais tout près de la vie qui y bat.

La troupe des 7 doigts inaugure la nouvelle salle multifonctionnelle hypermoderne qui remplace le désuet St-Denis 1 en l’investissant dans tous ses recoins. Les acrobates montent sur les tables, circulent dans les allées du cabaret, une petite scène circulaire est installée au centre et des images sont projetées sur tous les murs, même devant le balcon, pour créer un environnement immersif dans les différents tableaux.

Mon île, mon cœur raconte le parcours de Pablo (Pablo Pramparo), fraîchement débarqué à Montréal par amour. C’est un prétexte pour explorer la ville, ses ruelles et ses cafés, son « frette » hivernal, son printemps moche et sa chaleur caniculaire, ses partys de cuisine et ses festivals, dans une série de scènes pas toujours égales.

PHOTO ALEXANDRE GALLIEZ, FOURNIE PAR LES 7 DOIGTS

Le maître de cérémonie, Didier Lucien, et le couple de tourtereaux formé par Pablo Pramparo et Marie-Christine Fournier

Le spectacle débute lentement, autour d’un escalier bien sûr, et malgré sa poésie – une jolie neige qui tombe dans une lumière bleutée –, il met du temps à prendre son envol. La mise en place assurée par le maître de cérémonie est trop longue, plus tard sa marche le long de la « Main » aussi, et sont un frein pour les premiers numéros, qui sont jolis et bien chorégraphiés, mais qui mettent surtout en valeur la cohésion du groupe.

Duo époustouflant

Il faut attendre le duo de trapèze de Marie-Christine Fournier et Louis-David Simoneau pour avoir un premier numéro de cirque époustouflant, puis de tissu aérien sur Famous Blue Raincoat de Leonard Cohen, interprétée par Natasha Patterson, pour vivre nos premiers vrais frissons. Bien sûr, Mon île, mon cœur se présente davantage comme un spectacle de cabaret : la musique jouée par les acrobates ajoute à l’ambiance, et la scène du cours de français à partir du texte du Répondeur des Colocs est amusante. Reste cependant que ce qu’on espère des 7 doigts, c’est quand même du cirque original et de haut vol.

Et on en a beaucoup en deuxième partie, après une intro franchement peu intéressante : le maître de cérémonie qui fait un résumé de l’histoire, comme si on n’avait pas compris, une mauvaise habitude des 7 doigts d’ajouter de la narration là où ce n’est pas nécessaire.

Heureusement que la troupe a aussi misé sur sa plus grande force depuis sa fondation il y a près de 20 ans : les numéros de groupe, dynamiques et hyperactifs, pendant lesquels les solistes brillent parmi les leurs.

Le numéro de mât chinois dans le métro, avec la présence magnétique et significative du vétéran William Underwood, qui faisait partie du mythique spectacle Traces, donne le ton. Quand les huit membres de la troupe se retrouvent sur le même vélo dans une ruelle, on reconnaît aussi l’esprit joueur des 7 doigts, dont l’autre particularité est de se laisser inspirer par la personnalité et les histoires de ses acrobates. C’est d’ailleurs lorsque chacun raconte sa rencontre avec Montréal que le spectacle prend tout son sens.

« C’est ici que j’ai compris que tout pouvait être possible », raconte Marilou Verschelden, qui arrivait de son Abitibi natale : elle nous le prouve ensuite dans un numéro de roue allemande d’une incroyable force. Pour Brin Schoellkopf, Montréal aura été le lieu de l’éclosion de son identité de genre. Son numéro de fil, sorte de coming out sur de la musique techno, pendant lequel il danse littéralement puis est soutenu par toute la troupe, est une des choses les plus émouvantes qu’on ait vues dans un spectacle de cirque, un équilibre parfait entre la performance et l’émotion.

Bien sûr, Pablo se fera larguer, mais décidera de rester quand même. Mon île, mon cœur nous rappelle ainsi qu’au-delà des cônes orange, une ville est d’abord faite des liens entre les gens qui l’habitent, de l’amour qu’ils lui portent et de la vie qu’ils lui insufflent. Et si la déclaration d’amour est parfois maladroite et surjouée, sa sincérité, elle, est irrésistible.

Mon île, mon cœur, au Studio-Cabaret de l’Espace St-Denis jusqu’au 16 octobre

Mon île, mon cœur

Mon île, mon cœur

Espace St-Denis, Jusqu’au 16 octobre

7/10