« Said you can’t find no water », a commencé mardi soir le Coloradien Nathaniel Rateliff en chantant les paroles de Shoe Boot. De l’eau, vous dites ?

Avant le concert, des centaines de parapluies ouverts devant la grande scène tentaient de faire obstacle à la flotte, puis à la mouillasse, puis à la flotte encore.

Dès les premières notes des Night Sweats, collectif greffé à Rateliff en dilettante depuis 2013, les petits toits de tissu étaient repliés dans leur étui. Tant pis pour la pluie ! Groove oblige, l’eau viendrait de toute manière par les pores de la peau.

« I’m gonna leave it all out there to dry », nous rassurera illico le soul-rockeur sur You Worry Me, elle aussi extraite de Tearing at the Seams (2018), deuxième album créé avec les sept musiciens de Denver.

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Nathaniel Rateliff

« Je suis ravi d’être de retour à Montréal ! Vous m’avez manqué », a lancé la tête d’affiche tout de noir vêtue, devant une foule qui aurait vu double par beau temps.

Il a fallu quatre chansons pour que l’octuor plonge dans son plus récent matériel, The Future, avec I’m on Your Side, suivie de près par l’énergique et bien cuivrée Survivor. Cette enfilade résume un opus concerné – et consterné – par les divisions mondiales et la vulnérabilité humaine, mais non sans quelques brèches d’espoir.

Souvent soudé à sa guitare, Rateliff a migré au clavier pour A Little Honey, aussi simplissime que groovy. « I need you baby / More than you’ll ever, ever know / Oh, yeah. » Il y est resté pour la ballade amoureuse Love Me Until I’m Gone, avant de se lever pour entonner sans instrument Face Down in the Moment. La voix habitée et nasillarde de Rateliff y exhibait ses plus belles nuances.

L’auteur-interprète de 43 ans n’est ni loquace – quelques délicats « Merci » et « Je t’aime » dans la langue locale ont ponctué le concert – ni une bête de scène, mais il défend ses héritiers rock et americana avec aplomb et conviction.

S.O.B.

De nombreux festivaliers sont sans doute rentrés dans la chaleureuse maison des Night Sweats par la porte de S.O.B., adopté par l’animateur américain Jimmy Fallon, puis par les radios FM en 2015.

C’est lors du rappel, après avoir livré la gémissante pièce-titre de The Future, que Rateliff a récompensé les festivaliers de son hymne « défoulatoire » : « Son of a bitch / Give me a drink ». Joie du direct, c’était cette fois sans « bip » de censure radio pour masquer l’omniprésent « mot commençant par un b ».

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Les gens venus assister au concert de Nathaniel Rateliff & The Night Sweats étaient nombreux.

Sous des habits soul et badins, le chanteur y évoque ses galères d’après rupture avec la bouteille. C’est d’ailleurs l’alcoolisme qui allait tuer, trois ans plus tard, son producteur et ami Richard Swift. Une perte cruciale dans la création d’And It’s Still Alright (2020), album solo quasi invisibilisé par la pandémie. Rateliff a laissé tomber la touchante pièce-titre mardi, avec pour seul accompagnateur le guitariste Luke Mossman. « I’ll be damned if this old man don’t / Start to count on his losses / But it’s still alright. »

« Nous devons continuer d’avoir espoir et d’essayer de nous comprendre », avait imploré Rateliff en guise d’introduction.

Pour de nombreux festivaliers, le grand concert de mardi soir était l’occasion de confirmer que Nathaniel Rateliff n’est pas l’homme d’une seule chanson ou d’un seul album. Dans sa discographie entière, le chanteur du Colorado hybride habilement les genres chers aux années 1950 – soul du Sud, R&B, gospel – et le folk-rock lettré d’inspirateurs comme Bob Dylan et Leonard Cohen.

Trompette, saxophones, guitares (surtout électriques), percussions : c’est un solide mur de son qu’ont déplacé les Night Sweats mardi soir. Pleuvait-il ? À le voir suer et danser au rythme hachuré de Need Never Get Old, ce couple dans la foule s’en moquait royalement. « Taking our time / Ah just standing in the rain », renvoyaient les haut-parleurs.