Après deux années de disette, le Festival TransAmériques (FTA) prépare son grand retour avec une programmation autant locale qu’internationale signée par deux nouvelles codirectrices artistiques qui donnent leurs couleurs et un nouveau souffle à l’évènement.

Cette première programmation signée conjointement par Martine Dennewald et Jessie Mill permet « d’amorcer certains gestes » en jetant les balises pour les éditions à venir, car « on aime bien penser les choses sur la durée », lance Mme Mill en entrevue.

Si Jessie Mill est une habituée du festival – elle y œuvrait, sous la gouverne de Martin Faucher, comme conseillère artistique et dramaturgique –, ce sera une première expérience pour Martine Dennewald, qui a « traversé un océan pour le FTA », illustre-t-elle. La Luxembourgeoise d’origine a notamment assuré la direction artistique du Festival Theaterformen, en Allemagne, pendant six ans.

Les deux nouvelles codirectrices artistiques du FTA, qui se sont d’abord rencontrées dans des festivals en Europe, ont posé leur candidature conjointement, inspirées par une réflexion commune autour de la direction qu’elles souhaitaient donner au festival.

  • Re:Incarnation

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    Re:Incarnation

  • L’homme rare

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  • Traces

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  • La plus secrète mémoire des hommes

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    La plus secrète mémoire des hommes

  • M’appelle Mohamed Ali

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    M’appelle Mohamed Ali

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Penser l’international autrement

Que signifie faire un festival international aujourd’hui en 2022 ? Quels territoires et communautés peut-il englober ? C’est une question qui a guidé les codirectrices dans le choix des artistes figurant sur la foisonnante programmation de cette 16édition, qui se déroulera du 25 mai au 9 juin.

« On veut moins penser le volet international de la programmation comme un vis-à-vis avec l’Europe, mais plutôt créer un contrepoids fort aux festivals européens, en voyageant sur d’autres territoires, en accompagnant d’autres artistes », résume Mme Dennewald.

On a voulu réfléchir à notre responsabilité, en nous insérant dans la circulation des œuvres d’une manière intelligente, en rehaussant certaines figures phares internationales qui sont très peu connues et qui ne doivent pas nécessairement faire le détour par l’Europe avant d’arriver ici.

Martine Dennewald, codirectrice artistique du FTA

La programmation amorce ainsi un nouveau lien avec le continent africain, par la présence d’artistes comme Qudus Onikeku, de Lagos (Nigeria), qui ouvrira cette édition avec Re:Incarnation, un grand plateau avec dix danseurs et deux musiciens, un spectacle à l’énergie « folle », assurent les directrices artistiques, où le spectateur accompagne un homme dans le royaume des morts.

La chorégraphe de Côte d’Ivoire Nadia Beugré s’amène de son côté avec L’homme rare. Un spectacle qui pose son regard sur la masculinité et la notion de genre, en explorant toute une gestuelle autour du bassin, des fesses et du déhanchement.

Traces, un texte « lumineux et intelligent » écrit par Felwine Sarr, un écrivain sénégalais, raconte l’histoire d’un homme africain exilé qui retourne dans son pays, y raconte son odyssée en traçant les possibles futurs du continent. C’est l’acteur Étienne Minoungou qui défendra le texte sur la scène de la Maison Théâtre.

Finalement, deux interprètes burkinabés feront une lecture théâtrale de La plus secrète mémoire des hommes, roman du Sénégalais Mohammed Mbougar Sarr, gagnant du prix Goncourt 2021.

Ce lien avec le reste du monde, il trouve écho aussi dans la présence des diasporas au FTA, notamment avec le spectacle M’appelle Mohamed Ali, un texte du Congolais Dieudonné Niangouna dans une création du Théâtre de la Sentinelle, une compagnie montréalaise qui s’est donné comme mission de faire rayonner la diversité sur les scènes théâtrales d’ici.

  • Holoscenes


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    Holoscenes

  • La conquête du béluga

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    La conquête du béluga

  • Altamira 2042

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    Altamira 2042

  • Lavagem

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    Lavagem

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Eaux troubles

Même si la programmation n’a pas été bâtie autour de thèmes précis, celui de l’eau a émergé de lui-même. Pensez barrages, fleuves, rivières et mammifères marins.

Par exemple, le performeur de Los Angeles Lars Jan s’installera sur la nouvelle esplanade Tranquille avec un grand aquarium de 14 pieds de haut, dans lequel 5 interprètes recréent des scènes de la vie quotidienne en devenant rapidement submergés par 14 tonnes d’eau. « Holoscenes est un spectacle imposant qui questionne les enjeux climatiques et arrive à aller au-delà des discours scientifiques en créant une image émotionnelle de ce danger imminent », résume Mme Dennewald.

Le Théâtre À tour de rôle, qui nous vient de Carleton-sur-Mer, présentera de son côté sur la place de l’Horloge La conquête du béluga. Cinq acteurs gaspésiens y feront la lecture théâtrale du livre d’art de l’artiste visuelle Maryse Goudreau, qui rassemble diverses prises de parole du Parlement canadien autour des mammifères marins.

Un autre spectacle qui « vient de loin, mais qui résonne ici » est Altamira 2042, de l’artiste brésilienne Gabriela Carneira da Cunha. Elle y évoque la construction d’un barrage sur un affluent de l’Amazone, un des plus grands au monde, et du mouvement de protestation né chez les populations autochtones contre la destruction de leur écosystème. Une performance « techno-chamanique » où le public est appelé « à s’opposer lui aussi à la construction de ce barrage et, qui sait, contribuer à sa destruction ».

Le Brésil, remarque Mme Mill, est un terreau fertile d’où émergent des créations fortes. Le FTA accueille également pour cette édition l’artiste Alice Ripoll avec Lavagem, un spectacle construit autour de la notion de nettoyage, à la fois littérale et métaphorique, qu’on promet énergique et jubilatoire.

  • Elenit

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    Elenit

  • The History of Korean Western Theater

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    The History of Korean Western Theater

  • Malaise dans la civilisation

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    Malaise dans la civilisation

  • Les jolies choses

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    Les jolies choses

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Des retours attendus

Les habitués du FTA seront heureux de retrouver des artistes d’ici et d’ailleurs qui ont marqué les esprits lors d’éditions précédentes. Parmi eux, Euripides Laskaridis avec Elenit. Le créateur et acteur grec iconoclaste, présent au FTA avec Titans en 2018, revient avec cette création excentrique où il interprète une créature affublée d’une robe gigantesque parlant dans une langue inventée.

Certains se souviendront des cuiseurs à riz de l’artiste coréen Jaha Koo dans Cuckoo, en 2019. Cette fois, il propose avec The History of Korean Western Theater un théâtre puisant à la fois dans le documentaire et l’imaginaire.

Complices de longue date, Alix Dufresne et Étienne Lepage offrent leur première collaboration avec Malaise dans la civilisation, un spectacle pour quatre acteurs qui s’interroge sur les limites du théâtre.

La chorégraphe montréalaise Catherine Gaudet, de son côté, conclura la trilogie amorcée avec L’affadissement du merveilleux avec Les jolies choses, une création pour cinq interprètes, alors que Mélanie Demers propose au Théâtre Prospero Confession publique.

Consultez le site du FTA