Bien que les chanteurs et les humoristes soient impatients de retrouver leur public, au point de multiplier les représentations, leurs équipes de « booking » font face à un « véritable casse-tête de calendrier ».

« Il y a une saturation sur le plan de la disponibilité des salles », observe Véronique Bigras, directrice marketing du Groupe Phaneuf, qui gère les tournées de nombreux humoristes, dont Louis-José Houde, François Bellefeuille, Sam Breton et Maude Landry.

« Chez nous, on a maintenant 775 spectacles qu’on a portés, reportés et reportés depuis mars 2020. On a fait jusqu’à trois reports pour un très grand nombre de dates. C’est une mégalogistique. »

À la fin du mois de juillet 2020, le gouvernement Legault avait autorisé les salles de spectacle du Québec à accueillir jusqu’à 250 spectateurs. Des artistes et des agences avaient aussitôt imaginé des concerts pour se plier aux règles sanitaires. Le rideau est tombé deux mois plus tard.

Certains spectacles devaient – enfin ! – être présentés dans les prochaines semaines. Le hic ? De nombreuses représentations ajoutées en soirée débutaient à 21 h 30, pile au moment du couvre-feu. Résultat ? Une énième série de changements d’heure et de reports. Et, bien souvent, l’obligation pour les têtes d’affiche de multiplier les allers-retours dans les prochains mois.

Par exemple, un artiste qui affichait complet quatre soirs dans une ville, il devra y retourner 8-9-10 fois. Ça représente beaucoup de voyagement et de logistique. Est-ce que ça se fait ? Complètement. Est-ce qu’on reste positifs ? Absolument.

Véronique Bigras, directrice marketing du Groupe Phaneuf

L’importance du printemps

Peu importe les contorsions nécessaires, les artistes ont hâte de fouler les scènes et de rencontrer leur public. Personne ne se fait rouler dans la farine lorsqu’ils répètent que c’est leur principal gagne-pain.

« Il y a beaucoup d’artistes qui veulent jouer, mais les sièges et les salles sont limitées », remarque Catherine Simard, présidente-fondatrice de l’agence de gérance et de spectacles La Maison Fauve, qui travaille notamment avec Vincent Vallières, Dominique Fils-Aimé, Patrice Michaud et Michel Rivard.

Selon elle, le goulot d’étranglement ne fera que se resserrer. « En ce moment, on s’adapte assez bien. Les grosses tournées, avec plusieurs personnes sur scène, les producteurs les ont déplacées à 2022. Ça laisse de la place dans le calendrier ce printemps pour d’autres sortes de propositions. Par contre, à l’hiver 2022, ça risque d’être plus compliqué. »

D’où l’importance, poursuit la gérante, de ne pas lésiner sur l’offre des prochains mois. « Michel Rivard, qui est en tournée avec L’origine de mes espèces, il fait trois soirs à Gatineau au lieu d’un soir complet. Il fait deux soirs à Sherbrooke, deux soirs à Saint-Hyacinthe. On multiplie les représentations pour être capable de répondre à la demande. »

C’est une bonne chose de faire ça ce printemps pour ne pas trop engorger le calendrier par la suite. Si on fait juste tout déplacer, on va avoir un vrai problème.

Catherine Simard, présidente de La Maison Fauve

La Maison Fauve tente de trouver des solutions « au cas par cas ». Le 5 juin à Brossard, Dominique Fils-Aimé, par exemple, se produira à L’Étoile Banque Nationale si les variants ne viennent pas jouer les trouble-fête. « Normalement, elle aurait joué au Club DIX30. On déplace le spectacle pour pouvoir vendre plus de billets. » Or, ce ne sont pas toutes les villes qui offrent différentes tailles de salles.

D’autres talents tirent tristement un trait sur leurs projets. Eli Rose a vu son spectacle montréalais, à L’Astral, déplacé ad nauseam. La plus récente remise tombait le 25 mars, soit quelques heures avant la réouverture des salles en zone rouge. Il était préférable de « passer à autre chose ».

Un public indulgent

Des artistes de La Maison Fauve, comme Vincent Vallières, profitent d’un public réduit pour présenter du matériel en « rodage » ou en solo. C’est aussi le cas de la chanteuse Roxane Bruneau, représentée par l’agence Musicor Spectacles. Elle a conçu un spectacle intimiste à l’ère pandémique, Éphémère, pour faire patienter une poignée de ses « cocos ». Sa tournée à grand déploiement, Acrophobie, ne verra le jour que si les mesures de distanciation physique sont assouplies.

« Tous les cocos qui avaient des billets pour Dysphorie, qui devait avoir lieu en mars, pourront les transférer pour le nouveau spectacle, explique son agente, Valérie Hamel. La communauté de Roxane est la priorité dans toutes nos actions. »

Toutes s’entendent : les spectateurs sont fidèles, enthousiastes et indulgents. Les annulations ne représentent que 15 % des billets achetés avant les reports, estime Véronique Bigras, du Groupe Phaneuf. « Les gens sont très compréhensifs, ils savent bien que ce n’est pas la faute des artistes. »