L’heure est aux festivités ! Après une longue et douloureuse année de pause, Las Vegas en général, et le Cirque du Soleil en particulier, reprend vie.

(Las Vegas) Sans bulle ni distanciation physique, dans une ambiance festive et post-pandémique à souhait, le rideau se lève à nouveau sur deux spectacles mythiques du Cirque, à haute valeur symbolique : Mystère et O.

Après plus de 400 jours d’arrêt forcé, Mystère s’apprêtait lundi à reprendre l’affiche. Et quelques heures avant le lever du rideau, l’ambiance était fébrile. On devine pourquoi : Mystère a un sacré parcours de vie ici, à titre de tout premier spectacle permanent du Cirque du Soleil sur la Strip.

Créé par le tandem Franco Dragone et Gilles Ste-Croix, inauguré en 1993 à l’hôtel Treasure Island, il affiche pas moins de 12 000 représentations au compteur, pour 16 millions de spectateurs. O, du même duo, qui nous revient à son tour jeudi au Bellagio, compte quant à lui quelque 10 000 représentations et 17 millions de spectateurs en plus de 20 ans.

PHOTO DENISE TRUSCELLO, GETTY IMAGES POUR LE CIRQUE DU SOLEIL

Des artistes du Cirque du Soleil répètent un numéro de bascule.

Disons que la centaine d’artistes (dont une poignée s’exécute depuis les tout débuts) a dû avoir assez chaud dans la dernière année, merci. Au sens propre (il fait 45 degrés à l’ombre !), mais surtout au sens figuré.

« On ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi long ! Ç’a été un gros choc, la longévité du temps d’arrêt ! », confirme Magalie Drolet, acrobate québécoise de la première heure sur Mystère (et désormais doyenne), tout sourire à quelques heures de son retour sur scène.

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE

Magalie Drolet, acrobate québécoise de la première heure sur Mystère.

Je suis vraiment excitée que ça recommence, c’est le fun d’avoir enfin un public à divertir. Parce que ç’a été long pour le public aussi !

Magalie Drolet, acrobate québécoise de la première heure sur Mystère

Faute d’élastique ou de mât chinois à portée de main, elle a dû se rabattre sur des entraînements à domicile, à coup d’exercices variés trouvés en ligne. Les entraînements à proprement parler avec le Cirque ont, quant à eux, repris en mai.

Comme on dit dans le milieu : « pour faire un show, il faut un public. Pas de public, pas de show », renchérit le musicien (aux instruments à vent) Marc Solis, autre vétéran québécois ici. « Je suis très content de revenir au travail et de jouer pour le public. C’est un grand moment pour nous ! »

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE.

Avec l’annulation des spectacles, le Cirque du Soleil a été forcé de se mettre à l’abri de ses créanciers avant d’être racheté par un groupe d’investisseurs, dont la firme Catalyst.

Rappelons qu’avec la pandémie et l’annulation de tous les spectacles à l’échelle de la planète (et ceux de Las Vegas comptent pour plus de la moitié des profits de l’entreprise), le Cirque du Soleil a été forcé de se mettre à l’abri de ses créanciers. Après la mise à pied de 95 % de ses employés, et surtout le rachat par la firme d’investissement torontoise Catalyst, spécialisée dans les reprises de faillite – une firme qui ne fait pas l’unanimité, lire à ce sujet l’enquête de Vincent Brousseau-Pouliot  –, le voilà qui reprend vie. Lentement mais sûrement.

Lisez l’enquête de Vincent Brousseau-Pouliot sur Catalyst

Et pour lancer le bal : Mystère, donc, un spectacle qui, nous assure-t-on, n’a pas pris une ride.

Retour émotif

« Je suis très ému, très soulagé, très heureux », a confié lundi le président Daniel Lamarre, à quelques heures de la première, en saluant habilement ses nouveaux propriétaires. « La chance qu’on a eue, d’avoir des investisseurs qui sont venus nous appuyer et nous ont permis d’avoir les fonds nécessaires pour poursuivre et relancer nos spectacles ! », a-t-il signalé d’emblée, comme pour remettre les pendules (circassiennes) à l’heure.

Et de voir nos artistes sur scène dans une atmosphère de célébration […], c’est assez extraordinaire, après le cauchemar qu’on a vécu !

Daniel Lamarre, président du Cirque du Soleil

Cauchemar confirmé par la poignée d’artistes croisés dans les coulisses, après une démarche sanitaire stricte (les journalistes n’étant pas adéquatement vaccinés ayant dû se soumettre à un dépistage de la COVID-19 pour s’approcher de la scène), laquelle détonne, il faut bien le dire, avec l’ambiance générale de la ville.

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE

Retour à la normalité à Las Vegas

En effet, ici, et depuis le 1er juin, le mot d’ordre est au déconfinement. Un mot d’ordre qui tranche avec la réalité québécoise (aussi verte soit-elle aujourd’hui), le mot est faible. Les collègues des sports vous en ont glissé un mot, et vous l’avez constaté en regardant le hockey. Et même si quelques rares irréductibles persistent encore et maintiennent le masque ou la distance de deux mètres, il y a une ambiance de normalité dans l’air, c’est assez clair. Et ça ne déplaît pas du tout aux artistes intéressés.

« Ça fait du bien, sourit Olivier Sabourin (qu’on peut voir à la planche coréenne dans Mystère depuis 2015). On dirait qu’il y a un enjeu particulier. Symbolique. Je sais d’avance que ce soir, ça va être spécial ! »

Ça va être émotif, c’est sûr et certain : savoir qu’on est repartis dans notre zone de confort, devant du monde, dans la salle !

Olivier Sabourin

Les foules sont effectivement partout, dans cette ville du vice, version post-pandémique : dans les casinos, autour des piscines, dans les restos. Et depuis lundi, au Cirque du Soleil aussi. C’est reparti : d’après les dernières recommandations des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les personnes adéquatement vaccinées (45,6 % de la population américaine, soit deux fois plus qu’au Québec) ne sont effectivement plus tenues de porter de masque, ni de pratiquer la distanciation physique. Les salles seront d’ailleurs remplies à pleine capacité, faut-il le préciser (1616 sièges pour Mystère lundi, et 1806 pour O jeudi).

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE

Les foules sont partout dans la ville du vice, version post-pandémique.

Une « grosse commande »

« Ce sont deux shows iconiques », a rappelé Gilles Ste-Croix, cofondateur retraité du Cirque du Soleil, joint à Montréal la semaine dernière. « Des shows qui ont fait leurs preuves, […] amené le Cirque du Soleil à Las Vegas, […] et qui ont créé le style du Cirque du Soleil ! »

Un style, une marque de commerce, mêlant acrobaties, bien sûr, mais surtout une théâtralité unique en son genre, laquelle a fait bien des petits depuis.

C’est une grosse commande de repartir le Cirque du Soleil, […] mais j’apprécie qu’ils prennent leur temps.

Gilles Ste-Croix, cofondateur retraité du Cirque du Soleil

Des sept spectacles à l’affiche à Las Vegas en 2019, rappelons que deux autres sont déjà annoncés pour les prochains mois (Michael Jackson ONE, à partir du 19 août, et The Beatles LOVE, dès le 26 août), sans parler des différentes tournées. Le retour à Montréal est, quant à lui, prévu l’an prochain avec KOOZA.

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE.

Plusieurs représentations de Mystère affichent quasi complet.

À noter : les billets s’envolent déjà comme des petits pains chauds. Plusieurs représentations de Mystère affichent quasi complet. « Chaque jour, on vend deux fois plus de billets que ce qu’on vendait avant la crise, reprend Daniel Lamarre. C’est clairement une indication de l’effervescence et de la frénésie des gens de voir des spectacles en direct ! » C’était d’ailleurs sa théorie : « Les gens vont être au rendez-vous. Et ils le sont ! »