À La Tulipe, vendredi, le retour à l’ivresse des concerts en salle a pris la forme d’un retour dans le passé, à l’époque de l’album Le cours des jours. Dernier à avoir présenté un concert l’automne dernier, premier à remonter sur scène à Montréal, Dumas a livré ses airs nostalgiques à un public transporté. Le temps de quelques refrains chantés en chœur, musiciens et spectateurs ont partagé un moment de pur ravissement.

« Ça fait tellement de bien au moral ! Ça fait du bien de voir du monde, ça fait du bien de chanter, de bouger un peu sur son banc ! »

À la sortie du concert de Dumas, Martine Thériault exulte. Rencontrée devant La Tulipe avec sa sœur, elle a les yeux pétillants. Comme tout le monde vendredi soir, elles avaient des billets pour l’une des sept représentations qui n’ont pas eu lieu en octobre dernier. « C’était tout le temps reporté, alors on était hyper impatientes de le voir, dit-elle. Il était en feu ! »

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Des spectateurs attendant en file devant La Tulipe

Martine et Line Thériault sont « des habituées » des concerts de Dumas, qu’elles voyaient sur scène pour la « cinq ou sixième fois ». Ce concert-là a été un baume sur le cœur tout particulier, racontent-elles.

Faire du bien

Retournons un peu en arrière. Quelques heures avant son spectacle, Dumas nous confiait justement l’intention première de cette série de concerts Le cours de jours, où il joue dans l’ordre toutes les chansons de cet album paru en 2003. « Quand j’ai eu l’idée de faire cette tournée-là, c’était surtout pour faire du bien aux gens », a dit l’auteur-compositeur-interprète, au téléphone. « C’était pour leur faire plaisir et leur donner une espèce de soupape. »

Mission accomplie. Cette « magie » qu’il a pu voir durant les trois concerts de la tournée qu’il a donnés l’automne dernier s’est de nouveau manifestée vendredi. C’est comme s’il y avait de l’électricité dans l’air, une énergie indescriptible qui circulait entre la scène et la salle, remplissant chaque mètre carré du théâtre de la rue Papineau.

« On est tellement contents de rejouer ensemble qu’on va jouer comme si c’était une salle pleine avec un dance floor », assurait Dumas avant le concert, souhaitant que ses spectateurs « dansent dans leur tête ». Le musicien s’est aussi dit particulièrement heureux pour les équipes des salles de spectacle, qui ont tout perdu à l’arrêt des activités et qui travaillent d’arrache-pied en vue de la reprise.

« On s’était ennuyés »

Vers 18 h 45, 25 minutes avant le début du concert, une trentaine de personnes patientent en file sous la fine bruine fraîche de ce début de printemps lunatique. L’entrée se fait au compte-gouttes, chaque groupe étant escorté à sa table. Et interdiction d’enlever son masque pendant le concert.

À 19 h 10, chacun des 171 admis dans cette salle en format cabaret distancé sont assis, et on fait place à la musique.

Entouré de ses musiciens, François Plante, Jocelyn Tellier, Vincent Réhel et Jean-Phi Goncalves, Dumas est accueilli sur scène par des cris et des applaudissements nourris. Hélium, Le cours des jours, Vénus, J’erre… À chaque chanson, les têtes se balancent, comme les bras dans les airs. Sous le vrombissement des haut-parleurs, les décibels faisant vibrer le sol sous nos pieds, ça tape des mains et ça chante à l’unisson comme si c’était le dernier concert ou bien le tout premier.

Lorsqu’il s’adresse à la foule éparpillée pour la première fois, Dumas lui dit qu’il l’aime et qu’elle est incroyable.

La pièce Je ne sais pas débute. Le chanteur, sa voix toujours juste et son enthousiasme communicatif, danse dans ses Nike blanches. Après Arizona, Le désir comme tel, Vol en éclats, Visions et Avant l’aube, on arrive à la conclusion, la planante Linoléum.

Le rappel laisse place à un deuxième concert complètement, de huit autres chansons tirées de l’album Fixer le temps, sorti en 2006. « On s’était ennuyés », crie quelqu’un dans la foule, et il est évident qu’il parle bel et bien pour tout le monde. « Nous aussi, on s’était tellement ennuyés », répond Dumas.

« Vous nous faites du bien, j’espère qu’on fait du bien aussi », dit le chanteur à son public après plus d’une heure et demie de communion, s’apprêtant à conclure la soirée avec Les secrets.

Retrouver la résonance

À la sortie du théâtre, les amies Julie Ciméon et Claudia Marcoux confirment que cette soirée a « fait du bien ». « On ne pouvait pas danser debout, mais on dansait quand même », dit Julie. Quant aux mesures de précaution dans la salle, « c’est un moindre mal », ajoute Claudia. Toutes deux retourneraient voir un concert n’importe quand.

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Les spectateurs au concert de Dumas

Il est bientôt 21 h, et on ne peut trop s’attarder à discuter sous la fine pluie. Le temps frisquet nous en coupe l’envie, mais il faut surtout nous assurer d’être rentrés à temps pour le couvre-feu.

« Ce qui est dur, dans la situation actuelle, c’est le manque de résonance entre humains », nous a dit Dumas avant son concert. « Je pense que la reprise des spectacles va nous en redonner un peu. » C’est exactement ce qui s’est passé, et on ne peut qu’espérer que ça se poursuive.