(New York) Pour les vedettes de Broadway qui ont joué dans les plus grands spectacles musicaux, l’heure est aux choix douloureux alors que le secteur est asphyxié par la pandémie de COVID-19.

Comme tous les secteurs culturels, le célèbre quartier des théâtres a fermé ses portes lorsque New York est devenu l’épicentre américain du nouveau coronavirus au printemps.

Derrick Davis – qui a tenu des rôles majeurs dans Le Roi Lion et a été le premier artiste noir à jouer le fantôme dans une tournée nationale du Fantôme de l’Opéra, s’apprêtait à incarner Martin Luther King dans la production I Have a Dream en Caroline du Nord.

Soudain, il s’est retrouvé au chômage.

Au fil des semaines, « la dépression a commencé à s’installer, l’argent a commencé à se faire plus rare », explique ce chanteur de 41 ans.

À chaque report de la réouverture des théâtres — les acteurs de New York tablent maintenant sur l’été 2021 — il a envisagé un retour à son premier métier d’agent immobilier.

« Je ne peux pas rester là à ne rien faire et survivre d’espoir », ajoute l’artiste. « Beaucoup de mes amis ont pris l’avion et sont rentrés chez eux [...] en disant qu’ils ne reviendraient peut-être jamais ».

Mais pour l’instant, Derrick Davis tient bon. Il donne des cours de chant en ligne et il entretient sa voix.

« J’ai encore la passion », dit-il. « J’ai travaillé toute ma vie pour parvenir à ce niveau. Je ne peux pas jeter l’éponge ».

Sous pression

PHOTO ANGELA WEISS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Même si puiser dans ses économies lui faisait peur, Chondra Profit, qui a tenu des rôles-clés dans Le Roi Lion pendant 10 ans, est redevenue « une mère à plein temps » ces derniers mois pour son enfant de deux ans.

Pour la saison 2018-2019, les recettes de Broadway ont atteint 1,83 milliard de dollars, selon la Broadway League, l’instance de représentation du secteur qui estime à 97 000 le nombre d’emplois dans le secteur.

Les responsables de Broadway ont prévenu qu’ils perdraient de l’argent si la capacité des théâtres était limitée à leur réouverture, sur le modèle des musées. Ce qui veut dire que les théâtres seront les derniers à rouvrir après la pandémie.

Même si puiser dans ses économies lui faisait peur, Chondra Profit, qui a tenu des rôles-clés dans Le Roi Lion pendant 10 ans, est redevenue « une mère à plein temps » ces derniers mois pour son enfant de deux ans.

Mais cette chanteuse et danseuse de 36 ans s’est sentie sous pression. « Il faut créer le prochain spectacle, il faut créer toute cette musique », raconte-t-elle. « Il y a des artistes qui ont publié de nouvelles vidéos quasiment tous les jours ».

« C’était étouffant », dit Chondra Profit, qui a commencé à lire de nouveaux scénarios et envisage maintenant de se diriger vers la mise en scène ou la distribution.

« Prise de conscience »

PHOTO ANGELA WEISS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Derrick Davis et Chondra Profit collaborent avec d’autres artistes à la scène ouverte en ligne Lights Out On Broadway.

Chondra Profit et Derrick Davis collaborent avec d’autres artistes à la scène ouverte en ligne Lights Out On Broadway.

Avec les animateurs de l’émission, Angela Birchett et Taharqa Patterson, ils ont profité de cette période pour discuter des précautions sanitaires à envisager dans un Broadway post-pandémie, mais aussi de l’impact sur le secteur du mouvement antiraciste Black Lives Matter.

« Notre culture, notre communauté sont en pleine métamorphose », explique Angela Birchett, 41 ans. « L’art et la musique vont devenir le véhicule qui permettra de continuer à aller de l’avant ».

« Pour nous, ça doit être une obligation absolue ».

Pour Taharqa Patterson, 38 ans, retourner voir des spectacles sera « apaisant » aussi bien pour les artistes que pour le public.

Personne ne peut prédire comment le secteur va évoluer après le coronavirus, mais Taharqa Patterson est formel : « ça ne sera pas comme avant ».

« Il y aura un nouveau “normal”, parce que nous avons acquis une nouvelle prise de conscience, un nouveau savoir et des compétences différentes que nous avons améliorées et perfectionnées », ajoute-t-il.

Derrick Davis se dit « motivé » pour repousser ses limites, mais il prévient que la pandémie a laissé des traces psychologiques.

Il y a eu des moments où « je n’avais même pas l’énergie d’appeler quelqu’un pour dire bonjour », raconte-t-il. Il l’explique par « l’incertitude, ou parce qu’il était impossible de voir normalement les gens qu’on voit d’habitude ».

« C’est difficile », dit-il. « Mais nous, artistes, nous sommes habitués à relever les défis et nous persévérons ».