Le premier soir des funérailles en trois temps de l’album Darlène a été explosif. 

Hubert Lenoir en concert, ce n’est pas pour tout le monde. Certains disent qu’il « dérange », qu’il « provoque ». Et en effet, il y a matière à choquer les âmes (trop) sensibles. De l’autre côté, il y a ceux qui se délectent de tout ce qu’est Hubert Lenoir. Son public prend plaisir à le voir « frencher » son guitariste, se jeter sur les spectateurs et envoyer promener ceux qui voudraient le faire taire. L’authentique et ardent plaisir qui traversait les musiciens et la foule hier en disait long. Hubert Lenoir, qu’on l’apprécie ou qu’on le déteste, mérite amplement sa place sur scène.

Avant que le chanteur n’arrive, les spectateurs des Foufounes électriques passent une demi-heure tonitruante avec Crabe. Ce n’était pas annoncé, mais surprise, le duo de Valleyfield assure la première partie. Mertin et Gabriel, leur art-punk-rock-punk et leur imperfection (il leur faut par exemple s’y prendre à trois reprises pour démarrer une chanson) sont décalés et divertissants à souhait.

Le parterre des Foufounes électriques peut accueillir 400 personnes. La salle est un peu exiguë, ça fait partie de son charme. C’est plus intime et plus punk que le Club Soda et le MTelus, bien plus que les salles de la Place des Arts. C’est l’endroit parfait pour jouer Darlène pour la dernière fois à Montréal. Hubert Lenoir peut s’approcher de la foule pour des faces à faces avec ses fans. Il l’a fait à plusieurs reprises. 

Les Foufounes électriques exsudent le rock (oui, les Foufs ne sont plus ce qu’elles étaient, mais tout de même). Hubert Lenoir est habité par cet esprit rock. Un rock pop, certes, mais aussi un rock punk. Hubert Lenoir aux Foufounes, ça ne s’invente pas. C’est agressif, mais sculptural, c’est sale, mais léché. Ça vire tout à l’envers. 

« Virer fucking fou »

Il entre seul sur scène. Tuque rose sur ses cheveux fraîchement rasés et débardeur beige. Pantalon gris et large chaîne. Dessin sur les joues et anneau à l’oreille. Il chante une version signée Lenoir de Shallow, du film A Star is Born.

Le nom Darlène est tagué sur un drap blanc, derrière PE, le batteur du groupe, en feu. La scène n’est pas très grande, surtout pour sept musiciens, mais l’espace suffit amplement à l’interprète. Il se démène comme un possédé, dans le mètre carré qui lui est alloué.

« Aux Francos, je vais tout décrisser au nom de l’amour et pour les filles de personne que nous sommes », annonçait-il. De fait, il décrisse tout.

Il ne s’est pas écoulé cinq minutes depuis qu’il est monté sur scène que déjà il se jette dans la foule, pendant Ton hôtel, la pièce d’ouverture du concert.

Sur les accords de toutes les pièces de Darlène, à qui Hubert veut dire au revoir avant « qu’elle ne [le] tue », les spectateurs entassés sur le parterre de la salle de spectacle sont invités à « virer fucking fou ». 

Intense Lenoir

Hubert Lenoir a le sens du spectacle, ce n’est un secret pour personne.

S’il nous fallait nous contenter d’un mot, un seul, pour le décrire, ce serait « intense ». Tout ce qu’il fait, il le fait avec intensité. Il se déplace sur scène comme un prince dans son royaume. Chacun de ses gestes est dramatique, de la façon dont il met le feu à sa setlist à celle dont il danse sans vergogne. 

Il réclame un mosh pit. Il l’obtient. Ça s’embrasse à pleine bouche derrière lui. Il arrose la foule. Sa bière se déverse sur la scène. Il se déhanche. La seconde d’après, il surfe de nouveau sur la foule.

Les accords de Si on s’y mettait commencent, et le voilà en train de grimper sur la rambarde deux mètres au-dessus de la scène.

Pour Wild and Free, Lou-Adriane s’est jointe à lui pour un duo… sensuel. Il aime jouer avec ses musiciens à ce jeu lascif où le public est témoin de corps à corps, de baisers impudiques.

Il s’empare ensuite de sa guitare pour tester une nouvelle chanson. « Comme on approche de la fête des Pères, je voudrais la dédier à vos pères qui talk-shitent aux soupers de famille », lance-t-il.

« À moitié fille, à moitié garçon ou à moitié mort », chante Lenoir sur l’air entraînant et prometteur. Une chanson sur tous ceux qui l’exècrent, semble-t-il.

Après une heure et quart de délire, pour terminer en beauté, place à Fille de personne. La célèbre mélodie se prolonge sur une envolée instrumentale au tempo effréné qui incite à la folie, tant sur scène que dans la foule. Pour finir, il n’y a plus ni scène ni foule, l’une et l’autre fusionnent lorsque les musiciens descendent fêter sur le parterre avant de s’en aller.

Bientôt la suite

L’an dernier, Hubert Lenoir recevait durant les Francos le prix Félix-Leclerc de la chanson. Cette fin de semaine, il dit mettre un point final à l’aventure Darlène, qui l’a mené à parcourir le monde et à devenir une icône. La boucle se boucle. 

C’était délicieusement déplacé. On en sort avec le sentiment qu’on a péché, mais sans remords. On en reprendrait même.

C’est triste de savoir qu’on assiste à la fin de l’ère Darlène. Il est en revanche tout à fait réjouissant de constater la passion qui habite Hubert Lenoir. Elle promet une suite au phénomène qu’il a créé. L’artiste n’a pas froid aux yeux. Celle qui succédera à Darlène aura de grands souliers à chausser. 

« Je vais sortir de la nouvelle musique plus tôt que vous le pensez », a annoncé le chanteur hier. Bonne nouvelle. 

Hubert Lenoir sera de nouveau aux Foufounes électriques aujourd’hui et demain, dans le cadre des Francos et de l’enterrement de Darlène.