Carmen, ce sont près de 90 personnes sur scène : solistes, choristes, figurants, etc. Et chacune d’entre elles porte de quatre à six costumes. Ce qui nécessite deux heures d’essayage par personne. La Presse a assisté à l’une de ces rencontres dirigées par Dominique Guindon, chef de l’Atelier des costumes de l’Opéra de Montréal. 

Habiller Frasquita

Le matin de notre visite, Dominique Guindon fait les essayages de la soprano Magali Simard-Galdès, interprète de Frasquita, une des trois gitanes de l’opéra avec Carmen et Mercédès. Beaucoup de travail de recherche de tissus, couleurs, fibres et accessoires a été réalisé en amont. Les choix sont fonction de la charte des couleurs de l’opéra, établie par Charles Binamé. « Je montre à Magali toutes les maquettes que j’ai faites et lui explique où je veux aller, dit Dominique Guindon en nous montrant des esquisses. Je fais quelques tests. Magali porte une base de vêtements sur laquelle j’ajoute quelques pièces. On marche par essais/erreurs. »

L’esprit des gitans

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Un peu de recul pour bien voir que le look gitan est respecté.

« Sur scène, il faut que ça sente la soupe au chou et la patate », dit le metteur en scène Charles Binamé à propos du look et de la sensation qu’il veut faire ressentir aux spectateurs. Les gitans sont des gens vivant dans des conditions très modestes, et cela doit se voir sur scène. Pour cela, les trois gitanes porteront un costume de base qu’on modifiera très légèrement d’une scène à l’autre en ajoutant ou en enlevant un morceau ou un accessoire.

« Charles a apporté une très vieille photo de gitans et nous y réfère toujours », dit Dominique Guindon en montrant du doigt une photocopie scotchée sur un des murs de la pièce.

– Les gitanes sortent de leur roulotte en attrapant ce qu’elles ont, dit Binamé.

– Ces gens avaient le don de mélanger textures et couleurs, continue Mme Guindon. C’était à la limite du laid et du beau en même temps. »

Sortez le mannequin !

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Nicole Villiger, à gauche, participe aussi à la séance de travail. Elle assiste Dominique Guindon à l’Atelier des costumes.

Tout est pensé et soupesé dans cette préparation. Ainsi, Frasquita est une jeune femme plus lumineuse, entière et enjouée que Mercédès. Comme l’interprète de Mercédès (Pascale Spinney) n’est pas présente, on sort un mannequin (en arrière-plan sur la photo) sur lequel on a mis les vêtements de cette autre gitane. Et on les compare avec ceux de Frasquita pour s’assurer d’une harmonie.

Pendant ce temps dans la pièce d’à côté…

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Madeleine Saint-Jacques et Charles Binamé

Alors que les essayages se poursuivent, Binamé s’éclipse dans la pièce voisine où il s’assoit en compagnie de Madeleine Saint-Jacques pour évaluer les accessoires utilisés sur scène, qu’elle lui montre sur un ordinateur portable. « On regarde les muletas et les bannières, précise le metteur en scène. Et comme toujours, elles sont choisies en fonction de la charte de couleurs. »

« Est-ce que je vais avoir des tresses ? »

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La soprano Magali Simard-Galdès. « J’ai les cheveux volumineux mais pas très épais. »

C’est ce que demande Magali Simard-Galdès durant les essayages.

« J’ai les cheveux volumineux mais pas très épais, explique-t-elle. De sorte que chaque fois que j’ai porté des tresses en spectacle, j’avais des extensions dans les cheveux. »

Dominique Guindon la rassure et nous dit que, normalement, cette question est laissée au département de la coiffure. Sauf qu’ici, les cheveux font partie du costume, et les deux départements vont se consulter. On remarque que, d’un côté du visage, le foulard est par-dessus l’oreille droite alors que c’est le contraire sur l’oreille gauche. C’est voulu. « Il faut avoir l’impression que les personnages n’ont pas pris le temps de se regarder dans le miroir avant de sortir », dit Dominique Guindon.

L’atelier encombré

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Charles Binamé devant quelques-uns des supports à roulettes où sont accrochés les différents costumes des personnages.

Si 90 personnes portent de 4 à 6 costumes chacune, cela fait entre 360 et 540 costumes à gérer ! Une fois les vêtements d’un personnage prêts, ils sont rassemblés en un paquet identifié et déposé sur un des supports à roulettes qui encombrent l’atelier. Charles Binamé nous demande de ne pas photographier les costumes des toréros qui sont spectaculaires. Il veut garder la surprise pour les spectateurs.