Le spectacle Ovo célébrera le quart de siècle du Cirque du Soleil en nous transplantant dans l'univers des insectes.

L'artiste brésilienne Deborah Colker a embrassé ce nid agité en véritable femme araignée, du nom d'un certain film brésilien produit il y a exactement... 25 ans!

Deborah Colker a huit pattes. Littéralement. Metteure en scène, chorégraphe, danseuse, pianiste, psychologue, enseignante, auteure, athlète. Ce bien drôle d'insecte a mis à profit ses nombreuses expertises en devenant la première femme en 25 ans à écrire et à diriger un spectacle du Cirque du Soleil.

«Si on me mettait un costume, je serais sans doute une araignée dans le spectacle. Avec huit pattes ou plus!» avoue la dynamique artiste de Rio de Janeiro.

Elle s'est entretenue avec La Presse mercredi, au lendemain d'un premier bout à bout du spectacle Ovo devant 700 personnes - des employés et des enfants - sous le grand chapiteau jaune et bleu, dans le Vieux-Port de Montréal.

«C'était fantastique, s'exclame-t-elle. À la fin, les gens frappaient des mains et dansaient dans la salle. J'ai hâte à la première.»

La trajectoire unique de cette Brésilienne hyperactive semblait, en effet, la préparer pour le Cirque du Soleil. La troupe québécoise l'a d'ailleurs courtisée pendant quelques années avant qu'elle cède finalement au flirt.

Créatrice atypique, elle a donné des concerts à titre de musicienne et enseigné le mouvement aux acteurs. Elle fait bouger ses danseurs comme des acrobates et ses acrobates comme des danseurs. Autant à la verticale qu'à l'horizontale.

«Je connais la musique, lance-t-elle en riant. Toutes mes expériences m'ont beaucoup apporté, ce qui me permet de maîtriser les diverses dynamiques existant dans ce spectacle.»

Avec Ovo, elle tente d'étirer au maximum l'enveloppe esthétique du Cirque du Soleil, tout en préservant un style qui a eu beaucoup de succès dans le passé.

«C'est le défi. J'en ai parlé avec Guy (Laliberté). Nous avons trouvé le meilleur point de rencontre. Mais pour faire quelque chose de nouveau, il faut prendre des risques. Nous avons réalisé un spectacle qui porte ma signature, mais aussi celle du Cirque.»

Une journée chez les insectes

Ovo met en scène 53 artistes de 13 pays différents. Sans narration, mais avec une «dramaturgie», souligne Mme Colker, le spectacle porte sur une journée dans la vie d'insectes qui voient un intrus venir troubler leur quiétude. Un ovo - oeuf en portugais - qui représente à la fois l'inconnu, le cycle de la vie et le recommencement.

On assistera à une histoire d'amour entre une coccinelle -avec un personnage rendant hommage aux femmes rondes!- et une mouche noire. Sans compter l'ouverture, la fin, les clowns et les transitions, neuf numéros de cirque -trapèze volant, acrobaties, jongleries, banquine, balançoire russe, danse verticale, etc.- y trouvent une niche.

«Vous ne pouvez pas imaginer le défi que cela représente de faire jouer et danser des acrobates, avoue-t-elle. C'est un work in progress comme une partie de soccer - un sport, faut-il le rappeler, dans lequel les Brésiliens excellent -, plus on joue et meilleurs on est, mais nous serons prêts. C'est un processus de création très riche.»

La metteure en scène avoue qu'il y a des limites à ce que peut faire un acrobate, mais c'était dans sa nature... d'araignée de tisser une toile dramatique aussi large et impressionnante que possible.

«Parfois, il est difficile de demander aux acrobates, provenant des arts du cirque, de bouger d'une façon qu'ils ne connaissent pas, avoue-t-elle. On travaille depuis novembre là-dessus. Je crois qu'ils y arrivent. On a trouvé notre propre vocabulaire corporel.»

Choc des idées

Le nom du spectacle, Ovo, la musique et la scénographie comportent une forte saveur brésilienne à l'image de l'équipe créatrice.

«C'est le coeur du spectacle, souligne-t-elle. Le cirque, c'est nouveau pour moi, mais c'est mon style, c'est mon spectacle.»

On le devinera facilement, cette rencontre québéco-brésilienne entre des personnalités fortes, entre le cirque et la danse contemporaine, la chaleur tropicale et le calme nordique, a donné lieu à quelques échanges vigoureux, quelques étincelles créatrices, nous ont raconté l'ensemble des concepteurs cette semaine.

«J'aurais fait certains gestes plus radicaux, dit Deborah Colker, mais ce n'était pas toujours la meilleure solution. Nous ferons le mieux possible. Parfois, je crie, je brasse la cage, mais j'accepte aussi de changer de direction. Je suis intense, je travaille avec passion, mais ils me connaissent maintenant.»

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Ovo est à l'affiche du 23 avril au 19 juillet sous le grand chapiteau bleu et jaune sur les Quais du Vieux-Port de Montréal.