Ce soir au Gesù, le virtuose Renaud Garcia-Fons est très attendu par les amateurs de contrebasse, dont il est l'un des plus éminents réformateurs. Respecté par la communauté du jazz, de la musique contemporaine et des musiques du monde, le musicien parisien se produit pour la première fois au FIJM.

«Ma musique, résume Renaud Garcia-Fons, est transculturelle et le jazz en serait la base. Sans le jazz, cette musique ne pourrait être possible, puisque l'improvisation y joue un rôle central. L'aspect rythmique y est aussi fondamental. Mais on y trouve de telles autres couleurs, qui ne sont pas en référence avec la musique nord-américaine, que les qualificatifs viennent à me manquer. Mon jeu à l'archet, par exemple, est influencé par la musique indienne du Nord - lorsque j'ai commencé à improviser à l'archet, je me suis inspiré du sarangui.»

Natif de Paris, ce musicien aux origines catalanes a été formé par François Rabbath, illustre musicien et pédagogue.

«Il est un maître et un pionnier pour cet instrument parce qu'il en a largement ouvert le langage et la technique, notamment à l'archet. Ainsi, il a sorti la contrebasse de deux carcans: son rôle dans l'orchestre symphonique ou la musique de chambre, et aussi sa fonction dans le jazz notamment avec une nouvelle conception du jeu à l'archet. Avec François Rabbath, la contrebasse a trouvé une voix, un champ différent, une tessiture et une technique plus élevées, une plus grande justesse, une expressivité qui lui est propre. Nous ne sommes plus du tout dans l'image de cet instrument ronflant, ingrat, un peu balourd.»

«À l'origine, rappelle en outre l'élève de Rabbath, la contrebasse n'avait été créée que pour une seule fonction: donner des notes graves à l'orchestre. Or, l'instrument a passablement évolué depuis le XIXe siècle; surtout dans le jazz, il a pris une expansion phénoménale. Mais la contrebasse a eu une existence avant le jazz et elle a une existence autre que dans le jazz.»

On peut déduire que Renaud Garcia-Fons a aussi contribué à l'avancement de son instrument. «Je suis un peu embarrassé pour en parler, mais je dirais que peu de contrebassistes ont développé une technique spécifique à l'archet. Avec une contrebasse à cinq cordes (je ne suis pas le premier à utiliser un tel instrument), j'utilise une technique d'archet jeté sur la corde que je nomme pizz d'arco. L'effet de percussion sur la corde rappelle un peu le pizzicato (corde pincée) mais avec une sonorité bien différente. Cela produit une sorte de rebond avec une attaque très précise. C'est là, je crois, ma contribution. Mais j'espère aussi faire oublier la technique lorsque je joue; mon ambition est d'abord de faire de la musique!»

On aura saisi que l'univers de Renaud Garcia-Fons ne se limite pas à la performance. D'où Arcoluz (étiquette Enja/Justin Time), son dernier album dont la matière sera présentée ce soir à Montréal.

«Lorsqu'on ne connaît pas beaucoup la musique méditerranéenne, on a l'impression qu'il s'agit d'une sorte de jazz flamenco. C'est effectivement une musique nourrie au flamenco, la référence est assez nette. Or, mon jeu de contrebasse dans ce disque s'inspire de bien d'autres références musicales.»

Aux côtés de Garcia-Fons, Kiko Ruiz sera à la guitare et Pascal Rollando aux percussions - cajon, bongos, djembé, shakers, etc.

Arcoluz, nous apprend son concepteur, est la contraction des mots archet et lumière, qui rappelle les sonorité des mots andalouse et arc-en-ciel. Ce soir, nous en attendons l'illustration lumineuse...

Le trio de Renaud Garcia-Fons se produit ce soir au Gesù, à 22h30.