Que Patrice Leconte ait eu l'idée de mettre en scène cette Correspondance de Groucho Marx se comprend aisément.

Il y a dans ces lettres, personnelles ou professionnelles, écrites par l'immortel moustachu au cigare, beaucoup d'humour et, il est vrai, une certaine forme de mise à nu de son auteur, souvent touchante. En plus, Groucho a un extraordinaire sens de la répartie que reconnaîtront ceux qui ont vu à répétition les films des Marx Brothers (Duck Soup, A Night at the Opera, A Day at the Races, etc.).

Plus qu'une lecture

Plutôt qu'une simple lecture de textes, Leconte a choisi d'en faire un dialogue entre Groucho et chacune des personnes avec qui il a eu un échange épistolaire. Le comédien Jean-Pierre Marielle a donc les textes de son Groucho bien en main, qu'il dit en jetant souvent un oeil à ses feuilles, tandis que Pierre Vernier lui donne la réplique, qu'elle vienne du fils Arthur, d'une petite nièce ou d'un ami de longue date. Sitôt l'échange terminé, un trio de jazz prend la relève, permettant ainsi aux comédiens-lecteurs aussi bien qu'aux spectateurs de reprendre leur souffle après ce déferlement de mots.

Chaque missive est précédée du mois et de l'année où elle a été écrite. Quelques-unes sont passées à l'histoire, comme celle du service juridique de la Warner Brothers qui s'oppose à ce que les Marx Brothers intitulent leur prochain film A Night in Casablanca sous prétexte que cela pourrait créer de la confusion avec le Casablanca de Humphrey Bogart et Ingrid Bergman, sorti trois ans auparavant. Groucho met toute sa verve et son esprit dans sa réponse. D'abord, il ne savait pas que Casablanca, la ville, appartenait à la Warner, et puis, fait-il remarquer, les Marx étaient des frères bien avant Warner Brothers, comme d'autres frangins célèbres, dont les Karamazov. Victoire de Groucho, par K.-O.

Mots amusants

Il y a aussi derrière les bons mots de Groucho Marx, parfois cinglants, toujours élégants et amusants, une vulnérabilité certaine drapée dans l'humour. Cette lettre qu'il écrit en 1964 à un ami qui s'inquiète de ne plus avoir de ses nouvelles est un monument à l'absurdité du train-train quotidien. Groucho y décrit dans le moindre détail chacune des activités banales, dont les nombreuses siestes, qui meublent sa journée. Le spectateur rit en même temps qu'il partage son malaise.

Cela dit, la transposition sur scène de ces écrits savoureux est-elle une bonne idée? Malgré l'élégance avec laquelle Marielle rend les textes de Groucho Marx, sur lesquels il lui arrive de trébucher, je n'en suis pas du tout convaincu. Tant qu'à donner à moitié dans le théâtre, j'aurais préféré que Patrice Leconte opte pour une lecture plus traditionnelle.

À la fin des 70 minutes que dure cette Correspondance de Groucho Marx, je n'avais qu'une envie : relire ces lettres à mon rythme pour les savourer vraiment, pleinement. Le public, lui, a applaudi poliment acteurs-lecteurs et musiciens, sans plus.

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Correspondance de Groucho Marx, au Théâtre Jean-Duceppe, du 9 au 12 et du 15 au 19 juillet, 20 h.