Un gala Juste pour rire se prépare pendant des mois... mais se peaufine jusqu'au Jour G. À six dodos de ceux qu'animeront Laurent Paquin, demain et lundi, au Théâtre Saint-Denis, La Presse a assisté à la répétition d'un des numéros... loin d'être prêt à être présenter au public. Avec un trio d'humoristes stressés comme s'ils étaient en vacances. Un gala? Ah...bon!

François Morency attend sagement, comme un écolier, sur le banc d'une salle de répétition de la rue Chambord, à Montréal. Il est 13h, lundi. Laurent Paquin, Martin Petit, le metteur en scène Guy Lévesque et son assistante Marie-Josée Beaudreau doivent le rejoindre d'une minute à l'autre. Il reste six jours avant la tenue du premier des deux galas que doit animer Laurent Paquin, dans le cadre du 26e festival Juste pour rire. Environ 80% du spectacle est préparé... théoriquement. Pratiquement, il faut notamment peaufiner le numéro d'ouverture de l'animateur. «Il nous reste le punch final à trouver», dit Paquin.

Ce dernier doit aussi apprendre un numéro qu'il présentera avec Petit et Morency: celui des humoristes à la pêche. Un trio que Paquin se plaît à former depuis trois ans sur scène. Un tel numéro lui permet chaque fois de parler autant d'actualité que de la pluie, du beau temps et de la truite, en sautant constamment du coq à l'âne. «J'aime les numéros de groupe, avoue Paquin. Les spectateurs aiment voir plusieurs humoristes en même temps sur scène. Ils assistent à quelque chose qu'ils ne risquent pas de vivre ailleurs.»

Que Laurent Paquin, Martin Petit et François Morency se retrouvent ensemble, cet après-midi-là, relève presque de l'exploit. Il a notamment fallu attendre que Petit termine ses engagements aux Grand Rire de Québec, la semaine dernière. Que Laurent Paquin soit la vedette de la pièce L'emmerdeur, présentée dans le cadre du festival, et que François Morency présente des numéros dans d'autres galas, a aussi un peu compliqué les choses.

Lundi, ils ont convenu de se rencontrer pendant trois heures. «Le premier jet du texte est écrit, mais il est beaucoup trop long (15 pages de texte). Il faut par ailleurs sortir d'ici, cet après-midi, avec la fin du numéro», estime Morency.

Pas le temps de se demander comment vont les enfants et les blondes, les gars se mettent rapidement au travail, dialogues en main. Les gags fusent dans un texte que Martin Petit a révisé le matin de la répétition. On y jase de progéniture, de malbouffe, de la commission Bouchard-Taylor, Julie Couillard, Barack Obama, de la faillite de TQS et du Canal Vox. «Le Canal Vox, lance alors François Morency, c'est comme un hôpital. Tu commences là, tu finis tes jours là, mais entre les deux, tu essaies d'y aller le moins souvent possible!»

Gardera, gardera pas la blague au final? Les rires de l'assistante Marie-Josée Beaudreau, confirme la teneur élevée en humour du commentaire.

Pendant une bonne demi-heure, Paquin, Petit et Morency se mettront ensuite en bouche un bout de texte traitant du port du voile chez les musulmanes... en jouant les musulmanes. «Je trouve ça bizarre de défendre le port du voile, dit toutefois Paquin à Petit. «Je trouve ça contemporain que les filles débattent du port du voile, dit plutôt ce dernier. Les femmes ne s'entendent pas sur ce point.» La discussion se passe devant un metteur en scène qui préfère laisser cogiter et improviser les humoristes et qui interviendra d'ailleurs peu durant la répétition.

«Marie-Josée, quel nom pourrais-je donner à ma fille musulmane?» demande Petit. Au fil des ajustements, l'humoriste rature des bouts de textes et ajoute au stylo bleu de nouveaux gags. En cette chaude journée d'été, la porte de la salle de répétition est grande ouverte. Les moteurs des voitures se font entendre sans cesse, dans la rue, mais rien pour déconcentrer les humoristes. «Je me demande si on ne devrait pas avoir moins de sujets traités en profondeur dans notre numéro», lance Petit.

«À quoi tu penses?» demande Guy Lévesque à François Morency, qui ne dit plus rien depuis plusieurs secondes.

«Je pense qu'on en a pour 25 minutes!»

Passer au travers du texte trois fois prendra trois heures. À 16h, tout reste encore à faire, aux yeux de la journaliste. Martin Petit promet de retourner à sa table de travail, faire les multiples corrections inscrites sur ses feuilles, de réduire le texte à sept pages environ, de rédiger une conclusion punchée au numéro (sur laquelle ils se sont attardés pendant une demi-heure) et de renvoyer le tout le lendemain matin, à ses collègues. «Parfois, on trouve nos idées la veille seulement du gala», dit Laurent Paquin.

Étonnamment, en fin de répétition, les gars ne semblent pas plus angoissés qu'au début. Et ce, même s'ils savent qu'ils ne se reverront que trois jours plus tard, soit 48 heures avant le premier des deux galas de Paquin. «On a affaire à trois gars qui travaillent vite, ça aide à gérer le stress», note Guy Lévesque.

«Ils ont tous travaillé sur le texte, ajoute Marie Josée Beaudreau. Ils le possèdent donc déjà en grande partie. Autrement, ils pourront toujours se fier au téléprompteur placé devant eux, le soir du spectacle. Cela dit, ils connaissent leur personnage et ils ont fait beaucoup d'impro en carrière. Ils marchent sur un fil... mais ils gardent l'équilibre.»