Même si elle refuse de faire un parallèle entre la controverse de sa pièce Kanata et celle qui a frappé SLĀV plus tôt cet été, la femme de théâtre française Ariane Mnouchkine trouve «grave» que cet autre spectacle de Robert Lepage ait été censuré, et si elle avait été productrice, elle l'aurait présenté malgré les protestations.

«Bientôt, il y aura des librairies incendiées parce qu'un livre sur quelqu'un aura été écrit par quelqu'un qui n'est pas tout à fait de la même couleur. Est-ce que vous vous en rendez compte?», a-t-elle déploré samedi, lors d'une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, depuis la France, où elle est retournée vendredi.

«Les artistes, s'ils sont de vrais artistes, ne peuvent pas se transformer en commissaires politiques les uns vis-à-vis les autres», a-t-elle ajouté.

Ariane Mnouchkine était au Québec dans les derniers jours pour rencontrer des représentants des Premières Nations, qui ont dénoncé le fait qu'aucun Autochtone ne se retrouve dans sa pièce Kanata, qui sera présentée au Théâtre du Soleil, à Paris, à l'automne.

Ironie du sort, Kanata est mise en scène par Robert Lepage, qui avait été emmêlé dans la controverse de SLĀV quelques semaines plus tôt.

Dans le cas de Kanata, M. Lepage et Mme Mnouchkine avaient convoqué une rencontre avec les groupes autochtones pour faire le point. Des intervenants autochtones qui étaient présents à la rencontre de jeudi soir se sont dits assez satisfaits de la rencontre, mais d'autres ont regretté que la pièce ne soit pas changée.

«Censure artistique»

Mme Mnouchkine comprend la déception de certains, mais elle évoque raisons artistiques. Si la pièce avait été modifiée, cela équivaudrait à une «censure artistique», a-t-elle plaidé. «Personne ne peut accepter de limite artistique; pas eux non plus!», a-t-elle soutenu.

«L'art de l'acteur, c'est justement de se faire l'autre», a-t-elle martelé.

Il est possiblement question d'une collaboration artistique entre le Théâtre du Soleil et les groupes qui ont pris part à la rencontre, mais Mme Mnouchkine n'a pas voulu en dire davantage pour l'instant.

Elle espère rencontrer les organisations une nouvelle fois en octobre.

Comparaison avec SLĀV

Dans les derniers jours, plusieurs ont fait un rapprochement entre cette controverse et celle de SLĀV, dont les représentations ont finalement été annulées en raison de l'opposition de certains groupes qui dénonçaient «l'appropriation culturelle» dans cette pièce qui traitait de l'esclavage.

Mme Mnouchkine s'est montrée agacée face à cette comparaison.

«Je pense que les représentants des Premières Nations ont une démarche beaucoup plus humaine, amicale, tolérante. Je n'ai pas senti du tout la même brutalité (qu'avec SLĀV)», a-t-elle indiqué.

Selon Mme Mnouchkine, les producteurs de SLĀV ont eu tort de céder aux pressions «intégristes» des groupes qui dénonçaient la pièce.

«C'est grave, ce qui se passe», a-t-elle constaté.