Dans le cadre du Printemps nordique à la Place  des Arts, Peder Bjurman, collaborateur de Robert Lepage, met en scène Doktor Glas, une pièce sur l'amour aveugle. Ce spectacle solo est interprété par Krister Henriksson, l'inspecteur Wallander de la série télé suédoise.

Peder Bjurman et Krister Henriksson sont en tournée avec la pièce Doktor Glas depuis 12 ans. Mais c'est une toute nouvelle version de ce classique suédois qui sera présentée à Montréal. 

«Krister [Henriksson] voulait la refaire absolument, confie Peder Bjurman en entrevue téléphonique. C'est son rôle. Je crois que c'est sa plus grande interprétation à vie comme acteur. Il le joue de manière un peu plus sombre qu'il y a 12 ans. C'est au diapason du monde aujourd'hui.»

Adaptation d'un roman de Hjalmar Söderberg publié en 1905, la pièce Doktor Glas est un monologue livré par un médecin qui en vient à commettre l'irréparable par amour.

«C'est une histoire qui m'apparaît contemporaine, d'autant plus qu'elle a été adaptée en suédois d'aujourd'hui. Nous l'avons travaillée pour que l'on sente que ça se passe de nos jours», explique M. Bjurman.

La mise en scène de ce collaborateur régulier de Robert Lepage depuis 25 ans, qui a notamment participé à 887, se base sur la virtuosité de l'interprète. 

Peder Bjurman lui a demandé de jouer tous les personnages de la pièce, dont un pasteur et sa femme.

«Krister dialogue avec lui-même, en fait. Il se glisse peu à peu dans la peau des autres à mesure que le récit avance, comme s'il revivait les événements qui ont eu lieu. Sa voix et sa posture changent complètement.»

En tant qu'acteur classique - la pièce est une production du Théâtre dramatique royal de Suède -, Krister Henriksson n'était pas habitué à ce genre de mise en scène très contemporaine, souligne Peder Bjurman, «mais il possède une oreille musicale et il synchronise son interprétation du texte comme un musicien le ferait».

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Seul en scène, Krister Henriksson concentre donc toute l'attention du public. Le côté sombre du personnage n'empêcherait pas de sympathiser avec cet homme mélancolique, selon le metteur en scène. 

Très bergmanien ou suédois?, demande-t-on à Peder Bjurman.

«Mais aussi québécois, non ? Nous partageons un peu la même mélancolie», répond-il, avant d'ajouter que le docteur, malgré ses tourments existentiels, peut être drôle et touchant. 

«Son châtiment est que sa vie continue après avoir commis l'innommable. Je ne sais pas s'il a bonne ou mauvaise conscience. Est-ce qu'on peut obtenir quelque chose de bon en commettant un crime?»

Doktor Glas est une oeuvre qui pose des questions éthiques sur le droit de vie et de mort que peuvent exercer les médecins, sur l'amour et sa folie.

«Dans la mise en scène et le jeu, l'idée est de ne pas trop en révéler au public. Les spectateurs doivent se poser les questions morales après la pièce. Si l'on en dit trop, on risque de ruiner les effets du dilemme existentiel du personnage principal.»

Et Peder Bjurman de conclure: «J'aime cette pièce parce qu'elle nous questionne sur les gestes que fait le docteur. Il tue le pasteur parce qu'il aime sa femme, mais c'est un meurtre. On sait, par contre, que le pasteur viole sa femme, alors est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise action?» 

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Au Théâtre Maisonneuve demain et samedi, dans le cadre du Printemps nordique.

Photo Sören Vilks, fournie par la Place des Arts