Benoît McGinnis est tellement présent sur les scènes des théâtres montréalais qu'il pourrait faire partie des visages de la rentrée... à chaque rentrée. «Pas à ce point-là ! répond le principal intéressé en souriant. Des fois, je fais de plus petits rôles. Et puis l'automne passé, je n'étais pas là...»

Il a beau nier, Benoît McGinnis, qui a entre autres incarné Caligula et Hamlet au cours des dernières années, fait partie de ces acteurs capables de porter un spectacle sur leurs épaules. C'est le cas cet hiver encore, alors qu'il incarnera l'homme éléphant dans la pièce du même nom, écrite par l'Américain Bernard Pomerance en 1980 et mise en scène au Rideau Vert par Jean Leclerc.

«Ce n'est pas un rôle que je rêvais de jouer. Mais quand on me l'a proposé, j'ai vu qu'il y avait un défi.»

De fait, incarner l'homme éléphant sur scène est un travail d'abord et avant tout physique. Ici, pas de maquillage ni de prothèse, comme ce fut le cas pour John Hurt dans le film de David Lynch, mais plutôt un gros travail de transformation.

«Ça ne m'aurait pas intéressé si ça avait été un show qui nécessitait deux heures sur la chaise de maquillage avant chaque représentation. J'aime mieux la théâtralité.»

«Le défi est d'être juste dans mon corps et de modifier ma position, l'épaule comme ça, le bras de même, la tête par en arrière, dit-il en se levant pour donner un exemple. Je suis moi-même, mais je me tiens tout croche.»

Pour ce qui est de la parole, il a ralenti et hachuré son débit, s'inspirant entre autres des paraplégiques. «L'homme éléphant avait toute sa tête. C'est la manière dont ça sort qui est difficile. Il fallait trouver une façon de parler pour que le public m'entende, pour qu'on sente aussi son intelligence et sa sensibilité.»

Dur physiquement

Même s'il est entré dans la peau d'une foule de personnages torturés et intenses dans sa carrière, Benoît McGinnis a trouvé celui-ci particulièrement difficile à créer, surtout en répétition.

«Ce que ça me laisse dans mon corps, comme impression physique, c'est plus intense que je le pensais. J'ai de la misère à exprimer pourquoi, car le personnage n'est pas trash. Ce n'est pas une pièce sombre non plus. Il y a de belles scènes, drôles, plus légères aussi. Mais ça a été vraiment dur physiquement.»

L'homme éléphant, raconte le comédien, est une pièce sur le regard des autres et sur le désir de se fondre dans la masse. «On veut tous, peu importe à quel degré, handicaps, douleurs, ressembler à l'autre. Être accepté. Et pour l'homme éléphant, c'était extrême.»

Télévision

Après le Rideau Vert, le comédien partira en tournée de mars à mai avec la troupe de Demain matin, Montréal m'attend, pour revenir dans une nouvelle pièce à l'automne. Et la télé dans tout ça? Après avoir incarné un directeur d'école dans 30 vies pendant quatre ans, c'est le silence radio.

«Je joue dans la deuxième saison de Victor Lessard, qui sera diffusée sur le Club illico bientôt. Mais après 30 vies, je pensais qu'on m'appellerait davantage. Pas que je me disais: "Ça y est, je suis parti!" Mais je croyais qu'un réalisateur penserait à moi pour un téléroman, une télésérie.»

Le comédien s'ennuie de la télé. «Il faut que je gagne ma vie, j'ai une maison à payer, moi!», rigole-t-il. En vérité, ajoute-t-il, il adore l'efficacité de ce média. «J'aime quand ça va vite.» Il ajoute, réfléchissant tout haut: «Dans le fond, il faut que je me déniaise, que je prenne le téléphone et que je propose. Je pense que je vais en parler à mon agent.»

En attendant, Benoît McGinnis n'est pas en mal de grands rôles au théâtre et adore son statut d'acteur locomotive. «J'aime être le lead, dire: "On y va, gang!", être sur la scène du début à la fin. Mais je peux jouer dans n'importe quoi, même si j'ai trois lignes à dire! Si je capote sur le show, si j'ai le goût de travailler avec toi, je vais le faire.»

«Les gens se disent: "On demandera pas à McGinnis, il va dire non parce qu'il n'a pas beaucoup de texte." Mais au contraire, ça va juste être le fun

À 39 ans, le comédien estime de toute façon qu'il peut se permettre de faire des choix, accepter de petits rôles qui l'amènent ailleurs et refuser de gros rôles parce qu'il a l'impression de se répéter.

«Passer de Caligula à L'homme éléphant à Being at home with Claude à Demain matin, Montréal m'attend, c'est très différent. Je suis chanceux, mais je fais aussi mes choix en conséquence. Parce que mon but d'acteur dans le fond, c'est de me transformer.»

On le verra dans L'homme éléphant, au Théâtre du Rideau vert, du 30 janvier au 3 mars.

La tournée de Demain matin, Montréal m'attend se poursuit au printemps.