Catherine-Anne Toupin a écrit sa nouvelle pièce, La meute, en partie à Londres. La capitale britannique lui a inspiré un texte autour du thème de la violence omniprésente dans nos vies.

Rien à voir avec le groupe La meute. Rien de rien. Enfin, peut-être un peu. La pièce de Catherine-Anne Toupin aborde le «cercle vicieux de la violence». Celle qui contamine les débats, celle des opinions crachées à tout vent. Avant même d'y avoir pensé. 

«On vit une perte de contrôle sur le discours en ce moment, dit la comédienne et dramaturge. Il y a des réactions à chaud, des révoltes à tout. On s'offusque, on réagit avec violence. La pièce aborde ces thèmes-là.»

«J'ai envie qu'on prenne le temps de réfléchir. Si quelques spectateurs le font, ce sera ma réussite comme artiste.»

Dans la pièce, elle est Sophie, une jeune femme hantée par un passé qu'on soupçonne violent. Elle loue une chambre dans une maison de campagne occupée par Martin (Guillaume Cyr) et sa tante (Lise Roy). La meute étant un suspense, pas question de divulgâcher davantage.

«C'est tellement important de préserver le spectateur, dit-elle, et de lui laisser toute la place pour découvrir le spectacle. Plus on donne de clés à l'avance, moins il y a de plaisir dans la salle.»

Une chose est claire: le spectateur risque d'être ébranlé, voire choqué, avoue-t-elle.

«J'avais envie de briser des schémas avec la pièce, que ce soit la vision habituelle des personnages masculins et féminins et les rapports homme-femme. Les personnages sont à la fois vulnérables et attachants, mais ils ont quelque chose d'horrible caché derrière. Ils sont complexes, troubles et intéressants à suivre.»

Tragédie

Le metteur en scène Marc Beaupré, note-t-elle, voit la pièce comme une tragédie où l'étrange trio subit les événements plus qu'il ne fait des choix éclairés. 

«On fait un peu une tragédie, dit-elle. Les personnages sont entraînés dans un cercle vicieux dont ils sont incapables de se sortir. Ils finissent par commettre des gestes qu'ils n'auraient pas faits autrement. C'est tragique, mais ça arrive beaucoup, malheureusement.»

Même si son séjour à Londres - où sa pièce À présent était à l'affiche - l'a inspirée à traiter d'un sujet plus sociopolitique cette fois, elle souligne que son désir, avant toute chose, reste d'«écrire une bonne histoire».

«C'est ma seule et unique préoccupation. Après ça, parce que je suis une femme qui voit beaucoup de choses et qui a commencé à écrire en 2015, forcément, ça ressort dans l'écriture. Mais mon but premier n'est pas de dénoncer quoi que ce soit.» 

Mise en scène

Elle a écrit La meute et y tient le rôle principal, pourquoi pas la mise en scène alors?

«J'avais le goût, en travaillant avec Marc Beaupré, d'aller voir ailleurs, de sortir de ma zone de confort. En répétition, je donne mon opinion, mais tout le monde la donne. Ce qu'il y a de plus formidable, c'est de laisser tout le monde venir enrichir ce qui est déjà là. Mais le metteur en scène, c'est Marc. C'est lui qui décide. Je suis au service de sa vision. Je ne suis pas metteure en scène. Ce n'est pas ma force.»

La comédienne de Boomerang et d'Unité 9 dit pourtant aimer être partie prenante de toute la création, de l'écriture à la représentation. Serait-elle contrôlante?

«Ben... non. Il y a des choses auxquelles je tiens dans la parole écrite. La beauté du théâtre, c'est qu'il s'agit d'une oeuvre de collaboration. C'est seulement quand Guillaume, Lise et moi sommes sur scène que cela devient vivant. Est-ce que j'avais une vision de la pièce toute seule chez nous devant mon ordi? Bien sûr, mais les trois, dans nos corps sur scène, c'est là qu'on trouve nos réponses, qu'on sait si ça marche ou pas avec la vision du metteur en scène. J'avais envie de contrebalancer ma vision féminine très forte avec celle d'un homme à la mise en scène.»

Violence

Catherine-Anne Toupin affirme que les discussions ont été longues entre les artisans au sujet «de la violence comme réponse à la violence».

«La pièce arrive dans un contexte intense. C'est sûr, mais c'est tant mieux. Le théâtre se doit de faire ça. Autant je crois que le divertissement a sa place, autant je crois qu'on peut aborder des sujets délicats, complexes qui forcent à s'arrêter et à avoir une réflexion.»

«À partir du moment où on décide de rejeter dans le monde notre frustration, nos colères, de mettre ça sur la place publique, qu'il y a des centaines de milliers de personnes qui choisissent de faire ça, ça va avoir un impact. La violence entraîne la violence. Je sens quelque chose qui gronde depuis quelques années. On l'a vu avec tout ce qui est arrivé dans le cadre de #moiaussi, on sent un début d'explosion. Un début de "ça suffit", un stop opposé à une violence très présente. C'est ce qui est représenté dans la pièce, avec toutes les conséquences tragiques que cela peut avoir. Il n'y a pas de vainqueurs dans la pièce, que des gens détruits et des victimes. Comme société, on doit se questionner là-dessus.»

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À La Licorne jusqu'au 27 février.