Elle avait commencé 2017 avec un César, une nomination aux Oscars, puis un Molière d'honneur. Isabelle Huppert a achevé cette «belle année» à Rome en recevant dimanche le Prix Europe pour le théâtre, qui récompense ses «extraordinaires aventures» sur scène.

«J'aime l'idée que ce soit un prix européen du théâtre et aussi parce que je suis une actrice française», a confié Isabelle Huppert, avant de se voir remettre le 16e Prix Europe pour le théâtre. Il a aussi été décerné à l'acteur britannique Jeremy Irons.

Né en 1986, sous l'impulsion de l'actrice grecque Melina Mercouri et de Jack Lang, alors tous deux ministres de la Culture, ce prix est considéré comme la plus haute récompense théâtrale du continent.

Il a été décerné à des metteurs en scène, comédiens ou chorégraphes comme Bob Wilson, Patrice Chéreau, Michel Piccoli ou encore Pina Bausch.

«C'est une récompense qui me touche particulièrement parce c'est un prix de théâtre et parce qu'il reconnaît les aventures extraordinaires que j'ai pu vivre avec des metteurs en scène comme Bob Wilson, Claude Régy ou Eric Lacascade», explique la comédienne à la filmographie et au palmarès impressionnants.

Elle a joué dans une centaine de films et reçu, entre autres récompenses, deux prix d'interprétation à Cannes (pour Violette Nozière en 1978 et La Pianiste en 2001) et un César de la meilleure actrice cette année (pour Elle de Paul Verhoeven).

Actrice prolifique, qui n'hésite pas à entrer dans la peau de femmes perverses, frustrées ou guettées par la folie, Isabelle Huppert a aussi fait preuve d'audace dans ses choix au théâtre, où elle a interprété une vingtaine rôles.

«Théâtre visionnaire»

«C'est suffisamment peu pour que je puisse tous les considérer comme importants même si Orlando, mis en scène par Bob Wilson (en 1993), a été un tournant dans mon parcours», estime-t-elle.

«Bob Wilson a inventé un langage, un monde, et traverser son univers est quelque chose d'unique pour une actrice».

L'actrice garde aussi en mémoire son interprétation de Médée dans la Cour d'honneur du Palais des papes à Avignon, sous la direction de Jacques Lassalle (en 2001), ou son rôle de dépressive suicidaire dans 4.48 Psychose, de Sarah Kane. La dramaturge britannique s'était donnée la mort en 1999, à 28 ans, quelques semaines après avoir achevé cette pièce.

«Le metteur en scène Claude Régy était venu me voir avec ce texte qui avait été une telle une déflagration dans l'écriture théâtrale que je ne me suis pas posée de questions», explique l'actrice.

«Quand une oeuvre aussi singulière se présente à vous, vous n'hésitez pas et vous partez explorer ce nouveau monde», explique-t-elle.

Elle dit aussi apprécier «l'univers visionnaire» du Polonais Krzysztof Warlikowski, metteur en scène qui l'a dirigée dans Un Tramway, d'après Tennessee Williams, au Théâtre de l'Odéon en 2011.

«Le théâtre doit être visionnaire, c'est à dire que tout n'est pas dit au moment où cela est dit. Un peu comme le silence après la dernière note de musique qui fait partie de la musique».

Auréolée en février d'un César pour son rôle dérangeant de femme violée dans Elle - qui lui a aussi valu un Golden Globe et une nomination aux Oscars à Hollywood - puis d'un Molière d'honneur, Isabelle Huppert se refuse toutefois à parler d'année exceptionnelle.

«C'est une belle année c'est vrai mais j'espère qu'il y en aura d'autres», plaisante-t-elle.

«Et puis, il faut calmer le côté éruptif de ces récompenses pour les replacer dans une continuité. Ce qui était avant était bien et ce qui viendra ensuite le sera aussi...».