Avec Le Wild West Show de Gabriel Dumont, Alexis Martin et Jean Marc Dalpé «concrétisent» le rêve du lieutenant de Louis Riel: monter un spectacle sur l'histoire des Métis. Une quarantaine de personnes de tous les horizons canadiens réalisent cette rencontre multiculturelle à 200 %.

Pierre Elliott Trudeau avait-il raison après tout? Son rêve multiculturel semble prendre forme sur le plateau du Wild West Show de Gabriel Dumont, production pancanadienne réunissant près d'une quarantaine d'auteurs, concepteurs et acteurs des Premières Nations et des «deuxièmes» nations, francophone et anglophone, sous la direction d'un Québécois issu des «troisièmes» nations, Mani Soleymanlou.

«Le projet et le sujet, c'est la rencontre», nous a dit l'auteur d'Un, Deux et Trois lors des répétitions qui se sont tenues à Montréal avant la première qui a eu lieu à Ottawa le 18 octobre.

«La beauté et la complexité du projet, c'est qu'il fallait que j'apprenne toute une thématique, un spectacle, des acteurs, un univers, une langue, des codes, ajoute-t-il. Le travail est très riche et un peu wild. Il fallait apprendre des choses sur un tas de sujets afin d'en parler de la façon la plus juste, sensible et créative possible.»

«Ce spectacle, c'est vraiment une rencontre entre nous, les langues, les traditions, incluant les modes de fonctionnement francophone et anglophone.»

Cinq troupes de partout au pays ont travaillé au projet des auteurs-concepteurs Alexis Martin et Jean Marc Dalpé. Une dizaine de dramaturges ont aussi contribué à ce travail d'équipe.

«La force de ce texte est que plusieurs têtes s'y sont penchées et avaient des choses importantes à apporter au spectacle, croit l'interprète de Gabriel Dumont dans la pièce, Charles Bender. Quand il est question d'archétypes ou de symboles dans le show, quelqu'un levait la main pour dire de faire attention ou de changer les choses.»

«C'est un texte fort, solide, qui dit qu'il faut se rencontrer, dialoguer autour des questions autochtones, poursuit-il. Les gens doivent être prêts à remettre en question leur manière de penser.»

David contre Goliath

Mani Soleymanlou avoue humblement qu'il connaissait peu de choses aux réalités métisses décrites dans la pièce avant d'embarquer dans ce projet casse-gueule.

«J'apprends beaucoup. C'est terrifiant de voir comment ces peuples ont été traités dans le temps. C'est un combat à la David contre Goliath de ces hommes et de ces femmes.»

Le metteur en scène est d'avis que la pièce raconte une histoire qui fait partie de celle du Canada, «mais on ne voulait pas que ce soit les Minutes du patrimoine pendant deux heures et demie».

«Qu'ils aient choisi Mani comme metteur en scène, c'est intéressant, estime l'interprète Émilie Monnet. Il est complètement extérieur à cette histoire-là alors que pour nous, les acteurs, c'est super chargé, ce qu'elle représente. Il a donc toute la liberté qu'il faut pour la traiter.»

Buffalo Bill

La forme du spectacle emprunte au Wild West Show de Buffalo Bill, dans lequel jouait Gabriel Dumont. Le combattant métis était en fuite pour éviter la pendaison à laquelle n'a pas échappé son compagnon d'armes, Louis Riel, en 1885. Le spectacle comprend des numéros de cirque, de danse et de chant dans une forme éclatée qui se déplace constamment dans le temps.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Le metteur en scène de la pièce Le Wild West Show de Gabriel Dumont, Mani Soleymanlou (à gauche), pose avec deux des interprètes du spectacle, Émilie Monnet et Charles Bender.

Émilie Monnet rappelle que «le Wild West Show était un lieu de résistance pour les autochtones à une époque où leurs chants et leurs danses étaient interdits».  

«Il y a même une danse très utilisée dans le pow-wow aujourd'hui qui vient du Wild West Show. C'était une façon de résister et de transmettre des traditions.»

Le pays a tout de même changé depuis 150 ans. Est-ce que Louis Riel et Gabriel Dumont ont encore des messages pour les Canadiens et les Québécois d'aujourd'hui?

«Il y a une vraie richesse dans ce texte qui sait mêler les langues et les cultures métisses, cries et québécoises. Quand Louis Riel a été pendu, la plus grande manifestation contre la pendaison s'est déroulée à Montréal. Les Montréalais étaient alors très connectés sur la réalité métisse. Ce projet réactive cette mémoire, cette connexion.»

Identité

«C'est important, c'est le désir d'un peuple de se définir, dit Mani Soleymanlou. Autant pour les Québécois, les Métis et les Catalans, par exemple. Quand la police montée va tabasser des gens qui se sont armés, certes, mais pour réclamer leurs droits, ça commence à ressembler à ce qui s'est passé dans les bureaux de vote en Catalogne. L'histoire des Métis, ce n'est pas quelque chose qui appartient au passé. Notre spectacle parle de quête identitaire.»

Après Montréal, Le Wild West Show de Gabriel Dumont ira se promener dans l'ouest du pays, à Winnipeg et Saskatoon notamment, jusqu'au mois de mars. Pour Charles Bender, coauteur de Muliats, cette tournée s'inscrit parfaitement dans sa démarche artistique.

«Ça rentre dans mon parcours personnel en tant que créateur et artiste. Il y a des similitudes avec ma troupe Menuentakuan. Ce qu'on veut, c'est avoir un lieu pour débattre et raconter nos histoires. L'important, c'est d'en parler honnêtement dans une rencontre réelle.»

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Au Théâtre d'Aujourd'hui du 31 octobre au 18 novembre, dans le cadre d'une tournée pancanadienne

Photo Jonathan Lorange, fournie par la production

Le Wild West Show de Gabriel Dumont