Amélie, Nino, Dufayel et le nain de jardin sont de retour, seize ans après la sortie du Fabuleux destin d'Amélie Poulain, mais à Broadway, sous la forme d'une comédie musicale, un défi d'adaptation, presque une gageure.

Introspective, tout entière livrée à son imagination, Amélie devait ainsi devenir un personnage de scène, qui parle, chante, voire danse, durant tout un spectacle.

«Dans le film, elle parle très peu», reconnaît Craig Lucas, auteur du livret de la comédie musicale, dans un entretien à l'AFP. «Nous avons dû retranscrire ses pensées et ses actes en paroles.»

Il a fallu préciser, verbaliser l'indicible, chez un personnage qui, en outre, «n'aime pas être réduit à une description», reconnaît l'auteur, «ce qui fait, en partie, son charme».

Il s'est aussi aidé des autres personnages, qui contribuent à donner aux spectateurs une impression plus précise d'Amélie.

Le résultat bénéficie de la présence de Phillipa Soo (26 ans) en Amélie, peut-être la jeune actrice la plus prisée de Broadway actuellement, aperçue notamment dans la comédie musicale événement, Hamilton.

Celle qui a adopté la coupe au carré et les grosses chaussures noires familiarisées par Audrey Tautou était déjà de la première lecture de la comédie musicale, il y a quatre ans.

«C'est quelqu'un de très naturel, qui n'amène pas beaucoup d'artifice», explique Craig Lucas, au sujet de Phillipa Soo, qui a été marquée par le film de Jean-Pierre Jeunet.

Il aura fallu cinq ans à Craig Lucas, qui a notamment signé le livret du récent Un Américain à Paris vu à Paris et Broadway, pour adapter ce monument du cinéma français, qui a marqué une génération.

Plus de 40 chansons ont été écrites pour, au final, n'en retenir que 24, a-t-il expliqué lors d'un entretien à l'AFP.

Simplicité et fantaisie

La production a choisi un théâtre à la jauge plutôt modeste (975 places) au regard des standards de Broadway, le Walter Kerr Theatre, pour tenter de recréer l'atmosphère intimiste du film.

En réalisant le long métrage, Jean-Pierre Jeunet s'était appuyé sur une foule d'effets spéciaux pour ouvrir des portes sur l'imaginaire d'Amélie Poulain, de son coeur qui s'illuminait aux animaux peints qui se mettaient à lui parler.

«On ne pouvait pas rivaliser avec ça», concède Craig Lucas, qui explique que la production a pris le parti de ne pas faire dans la surenchère, pour préserver la proximité avec le public.

L'idée était, dès lors, «d'éviter la machinerie et de faire en sorte que des mains humaines, seules, puissent donner vie» à tout ce qui se passe sur scène.

Une porte qui pivote sur elle-même au moyen de roulettes, le fameux touriste suicidé sous la forme d'une poupée gonflable, des bandes bleues suspendues à un fil qui symbolisent une étendue d'eau, Amélie use, avec fantaisie, d'une multitude d'astuces pour donner vie à un univers.

La simplicité, voire la légèreté, ont été voulus jusque dans la musique, plutôt en retrait, loin des accents souvent ronflants des comédies musicales de Broadway, ce dont se félicité Craig Lucas.

«Les gens veulent des choses authentiques, spontanées, vraies», dit-il.

À l'arrivée, les critiques sont mitigées, estimant souvent qu'une partie de la magie d'Amélie Poulain s'est perdue en route.

Ce n'est pas l'impression de Guillaume Laurant, coscénariste du film avec Jean-Pierre Jeunet, qui a vu le spectacle à Los Angeles, en décembre, avant son arrivée à Broadway.

«Je n'étais au courant de rien», dit-il à l'AFP, car le projet a été mené sans les créateurs du film. «J'y suis allé avec beaucoup d'attente, d'appréhension», mais «on est tous sortis avec un grand sourire, légers».

«Je me suis senti comme les gens qui venaient me voir à la sortie du film et me disaient, sans forcément comprendre pourquoi: ce film nous a réconciliés avec la vie.»