Après les adaptations du Déclin de l'empire américain et de Vol au-dessus d'un nid de coucou, voici Harold et Maude chez Duceppe. Une ode à la vie avec Béatrice Picard et Sébastien René.

Béatrice Picard est Maude. Celle d'Harold. Un rôle sur mesure pour la plus dynamique et la plus verte des arrière-grands-mères octogénaires.

« C'est un rôle que j'ai toujours rêvé de jouer. Je la comprends. Nous avons toutes les deux le même type d'énergie. Comme elle, je ne vis pas dans le passé, mais dans le présent. » 

L'histoire d'Harold et Maude pourrait être adaptée comme une comédie dramatique, voire très noire, mais la mise en scène est plutôt axée sur des archétypes comiques. « La façon dont Hugo Bélanger l'a conçue, c'est vraiment une comédie, un conte. Les personnages sont très typés. Mais Harold et Maude sont plus vrais, plus vivants. »

Mise en scène dynamique

Sous la baguette d'Hugo Bélanger (Le tour du monde en 80 jours), on ne peine pas à imaginer une mise en scène des plus dynamiques.

« Avec Hugo, la fin d'une scène appelle l'autre. Il aime ça, l'action, confirme-t-elle. La scénographie est compliquée, les personnages entrent et sortent constamment. » 

On connaît le scénario écrit par Colin Higgins, filmé par Hal Ashby en 1971. Jeune de la haute société, blasé, Harold est suicidaire. La plus expérimentée Maude est une excentrique antibourgeoise qui lui redonne peu à peu goût à la vie. 

« Sans jamais vouloir lui montrer quoi que ce soit ou l'impressionner, précise la comédienne. Elle est comme ça. C'est plus une relation de transmission de la joie de vivre à une époque où la jeunesse est un peu désabusée. »

Le plaisir de jouer

Même si elle était très préoccupée par la maladie de son amie Janine Sutto au moment de l'entrevue lundi dernier, Béatrice Picard reste dans une forme resplendissante. 

Elle fait penser à une jeune première, imperméable au temps mauvais ou aux humeurs négatives. En janvier dernier, elle est allée jouer la pièce jeunesse S'embrasent à Paris. 

« Je vais plus vite que le temps ! C'est pour ça que je suis en forme. Avec cette pièce, je peux vous dire que je n'ai pas besoin de faire d'autre exercice. »

Le plaisir de jouer, elle l'a toujours. En répétition, sur scène, même en entrevue. Jouer « jusqu'à l'âge de 100 ans sans une chaise roulante », tel est son credo.

Cougar, non merci

Dans le film, la relation entre Maude et Harold atteignait à l'intime. Dans la pièce aussi, dit-elle, mais ce n'est pas souligné à gros traits.

« Lui, explique-t-elle, il tombe amoureux de l'amour. Elle l'aime bien, c'est la différence. Il a 19 ans, elle en a près de 90. Elle est une personne attachante, même si certains la trouvent trop encombrante et sans inhibition. »

Cougar, dites-vous ? Béatrice Picard ne connaissait même pas le mot. 

« Je les aime bien les p'tits jeunes, mais ce n'est pas ça entre eux. Mais il est tellement beau le petit Harold. [Sébastien René] faisait le jeune Peter Pan dans Peter et Alice avec moi. Il a beaucoup de travail avec tous ses suicides simulés. Il est tellement juste, tellement vrai. » 

Contagieuse

Tout le monde du théâtre, voire tout le Québec le sait, Béatrice Picard dégage une énergie contagieuse. Sa famille, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants en savent quelque chose.

« Je n'ai jamais arrêté de travailler et j'ai eu quatre garçons. Des vrais de vrais. C'est peut-être pour ça que j'ai un petit côté brusque, mais je me raffine en vieillissant », dit-elle en souriant.

Sa grande expérience lui permet même de savoir quand un spectateur n'aime pas ou s'ennuie. « On le sent dans certaines salles. Ça fait comme une espèce de cercle. À ce moment-là, on travaille à aller le chercher, à l'inclure avec nous pour que tout le monde embarque. » 

Le rire n'est jamais loin avec elle. Il flotte là dans l'air et elle l'attrape au fil de presque toutes ses pensées. Elle fonce sans s'arrêter, sans regretter non plus. 

« Quand je pense au passé, je ne vois que les beaux souvenirs. J'ai fait des choses pas correctes quand j'étais jeune, mais on apprend de tout, du bon et du mauvais dans la vie. »

Chez Duceppe du 5 avril au 13 mai

photo fournie par la production

Ruth Gordon et Bud Cort dans le film de 1971