Après le triomphe national de Tu te souviendras de moi, en 2014, François Archambault est de retour à La Licorne avec Une mort accidentelle. Une création sous forme d'enquête policière et de critique autour du concept des idoles instantanées.

En s'inspirant (très) librement de Crime et châtiment de Dostoïevski, l'auteur aborde «les notions philosophiques et éthiques qui entourent un crime accidentel et la volonté de s'en tirer». Sa pièce raconte le cauchemar de Philippe (Pierre-Yves Cardinal), un chanteur adulé du public, qui invente une fausse histoire pour expliquer la mort de sa blonde, une jeune animatrice connue (Marie-Pier Labrecque).

L'intrigue ne porte pas sur le drame, plutôt sur ses conséquences dans la vie du chanteur et de son entourage. «Mon personnage n'a pas nécessairement choisi d'être une vedette, explique l'auteur. Il a gagné un concours télévisé. Il embarque dans le train de la célébrité, sans avoir les outils pour gérer le succès. Son univers est toxique: tout le monde a une opinion sur ce qu'il doit faire.»

Le regard des autres, le mensonge, le besoin de reconnaissance, l'aura médiatique des personnalités; tels sont quelques-uns des thèmes abordés dans Une mort accidentelle. «C'est grisant, la notoriété, la reconnaissance publique, ou le nombre de likes sur une page Facebook. Mais jusqu'où pouvons-nous aller pour dorer une image publique?», se demande Archambault avec cette création, mise en scène par Maxime Denommée.

Québec d'aujourd'hui

Depuis près de 25 ans, le dramaturge François Archambault écrit une oeuvre à la fois douce et grave, en observant ses contemporains. Une mélodie sur la quête du bonheur, où cohabitent le rire et le drame. Du cynisme de Cul-sec au désarroi d'Enfantillages, de l'optimisme béat des Gagnants au désenchantement de Tu te souviendras de moi, les pièces du dramaturge sont des instantanés, des portraits tendres et cruels du Québec d'aujourd'hui.

«J'aime que mes personnages de théâtre soient dans la représentation. Ce sont des êtres humains qui jouent devant d'autres êtres humains. Je pose une double couche.»

Selon lui, l'écriture, c'est un peu comme des poupées russes. Un auteur ouvre des pistes, des canaux, pour se connecter sur des blessures plus profondes, inconscientes, à travers l'histoire qu'il imagine. «Quand j'ai écrit 15 secondes, j'avais un sujet clair: un personnage atteint de paralysie cérébrale, dit-il. En revoyant ma pièce, après sa création, j'ai réalisé que le thème était le rapport entre deux frères, sans jamais y avoir pensé en l'écrivant.» (François est l'aîné d'une famille de trois gars, dont le chanteur Stéphane Archambault.)

«À l'École nationale de théâtre [où Archambault a étudié en écriture dramatique], André Brassard disait qu'un auteur doit être à l'écoute de sa blessure. Si tu as un bon canal pour raconter une bonne histoire, ça va obligatoirement révéler quelque chose qui habite ton coeur.»

À l'ère de la téléréalité et des médias sociaux, le dramaturge croit qu'il faut revenir au récit, à la fable: «La fiction est essentielle, car elle nous permet de réfléchir à la réalité, tout en gardant une saine distance avec celle-ci. On peut juger, aimer ou détester un personnage, un archétype. Avec les réseaux sociaux, on perd ce filtre. On tombe dans le mépris des gens, les attaques personnelles, etc. Tout le monde veut avoir le dernier mot. Le débat est impossible.»

À la fin de Tu te souviendras de moi, l'historien admirateur de René Lévesque, Édouard, affirme ne plus croire à l'indépendance du Québec... «Des souverainistes sont venus me voir après une représentation, se souvient Archambault. Ils me disaient que c'est effrayant de faire un tel constat! 

- Est-ce que tu le penses vraiment?! 

- Non, c'est le personnage qui dit ça. Pas l'auteur...»

En attendant le film...

Le projet d'adaptation de Tu te souviendras de moi au cinéma est toujours dans l'air. Le cinéaste Éric Tessier a écrit un «scène à scène», et Archambault a revu les dialogues de sa pièce. Or, le producteur Christian Larouche n'a pas encore déposé le scénario pour le financement du long métrage. «Mes précédents projets au cinéma [La société des loisirs et Les gagnants] n'ont pas reçu de financement. Je vais le croire quand je vais le voir», illustre l'auteur, philosophe. Ce futur film sera donc comme «un bonus» au succès de la pièce qui a connu plusieurs vies. Elle a été produite en Belgique, aux États-Unis, à Vancouver, à Calgary et à Toronto. Elle sera à l'affiche du Centaur, en mars prochain, avec Jean Marchand dans le rôle d'Édouard.

Son actualité

> Il signe la pièce Une mort accidentelle, à La Licorne, jusqu'au 25 février.

> You Will Remember Me, version anglaise de sa pièce Tu te souviendras de moi, sera présentée au Centaur du 7 mars au 2 avril.