La pièce Terminus de l'Irlandais Mark O'Rowe photographie, au fil d'arrivée, trois personnes en chute libre. Alice Pascual joue l'une d'elles, mais la comédienne montréalaise s'inscrit plutôt au tableau des départs.

Alice Pascual n'est pas arrivée. Elle cherche et elle trouve. Dans une carrière encore en définition, elle aimerait pouvoir se lancer toujours dans le vide. «Je suis en train de dompter le fait que c'est ce qui va se passer. Il faut que j'en vienne à aimer ce sentiment de découverte et de défi. C'est la fontaine de jouvence!», lance-t-elle, heureuse de la formule qu'elle a trouvée.

«Comme actrice, je souhaite me construire tout le temps, poursuit-elle. C'est ce qui est formidable dans ce métier. Chaque fois que je crois avoir compris quelque chose, je vois que je me suis trompée. Ce n'est jamais pareil. Un acteur est bon quand il abandonne ce qu'il sait et qu'il laisse ses capacités jaillir de lui.»

Son jaillissement sur la scène et à la télé a été rapide, mais non fulgurant. Sur les planches, elle était de Fredy d'Annabel Soutar et d'On ne badine pas avec l'amour récemment. Elle sera bientôt au petit écran dans Prémonitions et Trop.

«La télé m'a pris un peu plus de temps. Ça m'a permis d'étoffer ma réflexion sur mes raisons de faire ce métier. Si j'avais été partout tout de suite, cela aurait été différent.» 

«Au-delà de la réussite instantanée, les périodes de doute m'ont nourrie et ont élargi mes perspectives. Je me sens plus autonome et à même de conduire ma barque.»

Son petit bateau peut battre divers pavillons - québécois, arabe, espagnol, italien -, puisqu'il y avait à la barre, au départ, un père français d'origine andalouse et une mère de la Côte-Nord qui se sont connus lors d'un échange France-Québec.

«Être québécois, ça veut dire être toutes sortes de choses et de visages. En faisant Fredy, j'ai pris conscience que ce qui est représenté à la télévision, au théâtre et au cinéma, c'est rarement la réalité. J'observe un changement dans le sens de l'inclusion, mais ce n'est pas suffisant d'inclure, il faut donner des rôles qui ne différencient pas les gens ou ne les cantonnent pas dans des stéréotypes.»

La force du doute

À la fois pensive et enjouée, elle n'a rien du cliché quand elle cause. Depuis sa sortie du Conservatoire en 2009, ses questionnements l'ont vraisemblablement rendue plus forte.

«Au début, j'ai voulu me prouver et prouver à tout le monde que je pouvais être comédienne. C'est une mauvaise raison pour le faire, mais elle est assez répandue. Ce métier fait rêver, mais il faut apprendre à vouloir raconter ces histoires qui nous lient, les humains. Il n'y a pas grand-chose qui nous lie davantage. C'est ce pour quoi je ferai ce métier jusqu'à ce qu'on m'en empêche. Je veux être au coeur du lien. Mon corps, ma voix, ma peau, mon intelligence participent à nous lier dans des histoires.»

Un jour, «c'est certain», dit-elle, elle écrira, elle dirigera.

«Pour l'instant, je suis un vecteur au profit d'une histoire à laquelle je participe avec d'autres. On travaille, menés par la conviction d'une vérité qu'on a tous pressentie et qu'on cherche ensemble.»

La forêt des mal-aimés

Le lien qui unit les trois personnages de Terminus (Martine Francke et Mani Soleymanlou jouent les deux autres) est la mort qui rôde, sordide, violente. Alice Pascual incarne une femme solitaire qui travaille de 9 à 5, amère et triste.

«C'est une histoire de grands blessés qui vont, au bout d'une nuit, dans leur quête d'amour, trouver le sublime, la beauté qui terrorise. Ils passent du sordide au sublime.»

Le texte est une «espèce de geyser» qui parle de démon, d'enfer, de résurrection. Pas tout à fait réaliste.

«Il y a une surenchère d'horreurs ne pouvant être vues qu'au deuxième degré. On est dans le fantastique, la BD presque. Michel Monty [le metteur en scène] a eu l'intuition d'envelopper le spectacle dans quelque chose de très visuel et sonore.»

Ici comme ailleurs, la soif d'aimer et d'être aimé émerge des profondeurs, bouée de sauvetage inespérée.

«Le désir d'amour qui fait se mouvoir les personnages de Terminus, je le ressens. Je m'y sens liée. Tout le monde sent ce besoin. Terminus, c'est un appel à ça. Un terminus, c'est l'arrivée, mais aussi un lieu de départ.»

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Terminus est présentée à La Licorne du 20 septembre au 29 octobre.