Cinq personnages coincés dans un bar-salon un soir de tempête se racontent des histoires terrifiantes, jusqu'à ce que la soirée elle-même prenne un tour inquiétant. Avec Saint-André-de-l'Épouvante, sa première incursion au théâtre, l'écrivain Samuel Archibald, révélé par le roman Arvida, ne cache plus son grand plaisir à procurer des frissons autant aux spectateurs qu'à ses lecteurs.

Comment est né Saint-André-de-L'épouvante

C'est à la demande du metteur en scène Patrice Dubois et du comédien Dany Michaud que Samuel Archibald s'est lancé dans cette aventure théâtrale, qui a été présentée d'abord aux publics saguenéen et gaspésien. Les deux amis s'étaient mutuellement donné en cadeau le recueil Arvida un soir de Noël. «Ils m'ont carrément appelé pour aller prendre une bière, se souvient Archibald. Ce sont des rencontres qui se sont faites sur trois ans. J'étais avec des gens qui connaissent leur business, leur milieu, leurs thèmes, et le fait de proposer l'horreur était une façon d'arriver avec quelque chose qui, pour moi, est un terrain solide et qu'eux ne connaissaient pas. Une façon de nous mettre à égalité, car la peur n'est pas quelque chose vers lequel le théâtre va souvent.» Le texte de la pièce sera publié sous peu chez Le Quartanier.

Faire peur

«Je ne sais pas pourquoi, mais je ne suis pas capable d'inventer complètement», explique l'écrivain. Ainsi, la plupart des histoires que les personnages se racontent lui ont été racontées, comme des légendes populaires. «Je voulais que ça commence comme du Fred Pellerin et qu'on aille ensuite vers quelque chose de plus troublant, de plus expérimental. Je voulais à la fois une montée et une descente aux enfers. Ç'a été le fun parce que l'horreur, comme tous les genres, c'est un gros risque, qui fonctionne sur l'émotion. [...] Comme auteur, ça m'a donné beaucoup confiance en moi de voir la réaction des gens. La première fois que j'ai vu la pièce, j'étais presque mal à l'aise, je me trouvais rough! Mais c'est une piqûre pour un auteur. C'est ça, le plaisir de la peur ou de l'horreur, en littérature ou au cinéma: c'est une tension qui se relâche, comme après un mauvais rêve.»

Sa définition de l'épouvante

«Stephen King avait une belle déclaration là-dessus. Selon lui, il y a trois niveaux: soit tu es en train d'écoeurer le monde, soit tu es en train de les horrifier, soit tu es en train de provoquer la terreur. La peur, c'est plus l'histoire du fantôme qui sort de la télé; quand, tout à coup, il y a juste des angles morts dans ta maison, l'endroit où tu devrais être le plus en sécurité. Être inquiet quand on prend sa douche ou devoir regarder sous le lit avant d'aller se coucher. C'est ce que je recherche comme effet. Ma définition de l'épouvante, c'est ce qui rend le familier étranger.»

Trois choses qui terrifient l'écrivain

1. «Un fait divers, quand j'étais petit, à la fin des années 80, au Saguenay. La disparition de Virginie Pelletier. Son corps avait été retrouvé en morceaux. Ç'avait été un peu occulté par le drame de Polytechnique; c'est resté régional. Mais ça m'obsède depuis que je suis enfant et je vais écrire là-dessus un jour. Je me rappelle la peur, à 11 ans, du fait que ça se passe chez vous et non dans un livre ou à la télé. Je me rappelle cette grande hystérie collective autour du tueur qui court.»

2. «Les faits divers inexplicables. Récemment, j'ai lu l'histoire d'un pont en Écosse où les chiens se suicident. C'est documenté pendant tout le XXe siècle. Toutes sortes de théories ont été proposées, mais les chiens arrivent à un endroit sur le pont et se jettent en bas. Ce que j'aime, c'est le gros point d'interrogation. C'est quoi, ça? Ce pont me fait peur!»

3. «Tous ces témoignages de gens qui disent avoir été enlevés par des extraterrestres. Là-dessus, l'une des scènes les plus épeurantes de tous les temps, c'est dans le film Fire in the Sky (de Robert Lieberman, en 1993)! C'est atavique, cette affaire; ça rejoint les terreurs nocturnes, le fantasme d'être enlevé la nuit... Ça m'a toujours fait peur.»

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À l'Espace Go du 18 février au 12 mars.