Sophie Cadieux joue le texte le plus exigeant de sa carrière. Dans la pièce 4.48 Psychose de la Britannique Sarah Kane, elle est psychose et beauté, ombre et lumière.

Sophie Cadieux l'avoue. L'oeuvre de Sarah Kane 4.48 Psychose est «la chose la plus difficile [qu'elle ait] eu à jouer sur scène».

«Cette heure de jeu me rend toute tendue dans mon corps. Je suis obligée d'être traversée par le texte. Je mets mon bras dans le tordeur en quelque sorte. On passe du jeu réaliste au poème et à la violence», explique la comédienne à propos de cette mise en scène de Florent Siaud.

La pièce écrite en 1999, traduite par Guillaume Corbeil, parle de suicide et de dépression dans une langue qui navigue entre le très cru et le poétique. Les deux personnages - le médecin et la patiente -  sont tous les deux interprétés par Sophie Cadieux.

La touche-à-tout qu'on pourra voir avec l'OSM en 2016, aussi à l'aise en comédie télévisuelle (Les beaux malaises) que chez Nelly Arcan (Le fureur de ce que je pense), aborde une vision sombre, à des années-lumière de sa vie de jeune maman.

«Quand Florent m'a approchée, dit-elle, il m'a dit qu'il voulait insuffler de la lumière, du mystère, de l'espoir. Pour lui, ce texte est comme un conte, une traversée de l'enfer, un genre de chemin de croix.»

«Je suis un être assez lumineux, ajoute-t-elle. Ces idées-là ne m'habitent pas, mais je suis curieuse à propos de ces femmes artistes. Nelly Arcan, ce devait être tellement beau, ce à quoi elle aspirait, et c'est pourquoi elle a été déçue du monde.»

Réhabilitation

La dramaturge Sarah Kane a écrit cinq pièces avant de se suicider à l'âge de 28 ans. D'abord injustement critiquée à ses débuts, traitée comme tant d'autres artistes féminines d'hystérique, elle fait l'objet d'une réhabilitation depuis.

«Je pense qu'elle laisse une oeuvre qui va durer dans le temps. Il y a une perle, un diamant dans cet amas de noirceur. Dans le lac noir, on voit encore mieux ce qui est beau», croit Sophie Cadieux.

«Il y a des moments très noirs, lumineux aussi, violents, doux. Le texte dit à un moment qu'il s'agit d'une symphonie en solo. Ce serait dommage d'y voir la lettre testamentaire de Sarah Kane. Ça se rapporte à sa vie, mais son oeuvre est infiniment plus complexe, réfléchie, construite.»

La mise en scène cherche donc à éviter les clichés et l'anecdote. Découpé en fragments, le spectacle veut montrer toute la richesse du texte et du sous-texte.

«Ce n'est pas un journal intime, prévient la comédienne. J'occupe l'espace central, mais Florent écrit beaucoup aussi avec la lumière, le décor, la musique, la vidéo. C'est sa vision. Il m'amène dans des sentiers difficiles que je ne connaissais pas comme interprète.»

Rendre à Kane

On sent que la volonté de rendre à Sarah Kane ce qui lui revient est grande dans ce travail à deux. Sophie Cadieux a pris bien soin de ne pas lire les autres pièces de l'auteure. Pas question d'être Sarah Kane sur scène.

«C'est un texte assez dense, énigmatique, poétique. Florent voulait qu'on arrête de voir cette pièce uniquement comme le chant du cygne de cette jeune femme qui s'est suicidée. Oui, c'est un chemin vers la mort, mais qui n'est pas irrémédiable.»

À la lecture, le texte peut faire peur. Mais on y trouve aussi de l'humour et une langue très belle. Un personnage de femme qui sombre, mais qui résiste aussi.

«On la voit digne et debout. Elle se rend compte de son état. On ne banalise pas la psychose, mais on essaie de donner l'image la plus complète de la complexité de cette femme. Elle est extrêmement intelligente, mais elle sait aussi qu'elle n'est pas toujours en contrôle de soi. Son chemin est semé d'embûches. Il y a une force en elle. Sinon, la pièce ne durerait qu'une minute.»

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Au théâtre La Chapelle du 27 janvier au 6 février.