Comment vous êtes-vous préparé pour ce premier rôle au théâtre ? Quels ont été les obstacles les plus importants auxquels vous avez fait face ?

En lisant la pièce, j'ai d'abord séparé ce qui était en langage des signes et ce qui devait être fait oralement. En répétition, j'ai travaillé, avec la metteure en scène Sarna Lapine, les émotions devant être transmises en langage des signes. Ensuite, on a travaillé la parole. Pour le langage des signes, j'ai fait appel à un instructeur pour obtenir son éclairage sur la clarté des gestes. Je me suis enregistré et elle me donnait des conseils en visionnant la vidéo.

Vous connaissiez déjà le langage des signes, mais votre personnage ne le connaît pas. Comment l'avez-vous désappris ?

Ma première langue est le langage des signes américain. J'ai ensuite appris à lire sur les lèvres et à utiliser ma voix pour parler. Billy ne connaît pas le langage des signes, mais je comprends ce que c'est de ne pas savoir communiquer. Donc, désapprendre le langage des signes n'est pas si difficile. Ça fait partie de mon expérience de vie. 

Dans la version française, l'acteur qui jouait Billy [David Laurin] n'était pas malentendant. Croyez-vous qu'il est préférable de l'être pour ce rôle ?

Oui, c'est important. Un acteur qui n'est pas malentendant ne peut savoir ce qu'un acteur sourd vit. C'est pourquoi plusieurs personnes ne reconnaissent pas les talents des sourds. Les personnes malentendantes ont beaucoup de difficulté à trouver du travail. Elles passent souvent derrière les personnes qui entendent. On considère pratiquement les malentendants comme inutiles dans les lieux de travail. Cela dure depuis trop longtemps. Il faut prendre conscience des problèmes de discrimination envers les gens souffrant de surdité.

Controverse à l'horizon ?

Je soutiens la communauté sourde. C'est très important que l'on reconnaisse sa valeur et sa qualité. La majorité entendante doit prendre conscience de la minorité silencieuse. C'est peut-être controversé, mais je vais continuer à défendre les droits des sourds.

Est-ce que l'auteure, la Britannique Nina Raine, a bien compris les sourds dans Tribus  ?

Quand j'ai lu la pièce, il m'a semblé qu'elle avait une certaine connaissance de la communauté sourde. Mais je ne la connais pas personnellement. Il y a quelques passages qui me font douter de cela. Par exemple, il y a une scène où les piles de l'appareil auditif de Billy tombent mortes, ce qui le rend presque bègue. Or, dans la réalité, l'un n'affecte pas l'autre. Il ne s'agit pas des mêmes sens. Peut-être qu'elle l'ignore ou qu'elle a décidé de se donner une licence poétique. Ce n'est pas trop grave.

Est-ce que vous croyez que les sourds sont sous-représentés au théâtre, au cinéma, à la télévision ? 

Certainement. On devrait être plus nombreux. On ne vit pas dans un monde idéal. On doit viser une plus grande représentation. Quand on parle de minorités linguistiques, c'est la même chose. On devrait en voir plus. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. La société en bénéficierait énormément. Plusieurs sont mal à l'aise devant les sourds et il faut changer cet état de fait. L'année 2015 a vu quelques changements. Il y a de plus en plus de productions sur scène et à la télé qui incluent des personnes sourdes. C'est positif. 

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Tribes, au Centre Segal, jusqu'au 20 décembre