La prémisse de cette nouvelle création de Jean-Philippe Lehoux est plutôt rigolote. Les abonnés de La Licorne lui ont fait parvenir une liste de «lieux improbables» où il pourrait passer ses vacances. Il a choisi Normal, bled perdu de l'Illinois. Pire, il a eu l'audace (ou l'inconscience) d'y passer un mois.

Sa mission consistait à répondre à une question à saveur sociologique : peut-on voyager là où il n'y a rien à voir ?

On aurait souhaité que le récit de ce voyage à Normal soit extraordinaire, voire épique, bref, qu'il soit tout sauf normal, mais la plate réalité est que Jean-Philippe Lehoux s'est emmerdé à Normal. Son texte témoigne justement de l'ennui qu'il a ressenti dans ce «trou», désigné par ses habitants par le terme bumblefuck.

Le premier touriste

Une fois établi qu'il n'y avait rien à voir à Normal, on se demande bien comment Jean-Philippe Lehoux meublera le temps qu'il lui reste pour répondre à la question : alors pourquoi s'y arrêter ? Mais il faut bien le reconnaître, l'auteur et comédien ne manque pas d'imagination.

En livrant ses impressions de «premier touriste» de Normal, notre homme parvient quand même à faire du millage.

Il faut dire qu'il n'est pas seul sur scène. Sa complice Sarah Laurendeau y joue le rôle de narratrice, tout en incarnant divers personnages rencontrés par Jean-Philippe Lehoux. Il sera ainsi question d'un preacher surnommé Brother Jed, d'une communauté de libertariens, d'un groupe de réfugiés congolais, de hippies bouddhistes...

Bref, à force d'arpenter la ville, Jean-Philippe Lehoux a fini par faire des rencontres aussi étranges que divertissantes.

Le voyage, selon lui, se justifie par ces «moments» en apparence banals, qui nous permettent de créer des liens avec d'autres êtres humains. Ce n'est évidemment pas une révélation, mais l'acteur met tout de même le doigt sur notre désintérêt grandissant à l'égard des autres. Ou à tout le moins de ceux qui ne pensent pas comme nous.

Matière mince

Oui, on s'attache à ce Jean-Philippe Lehoux curieux et profondément humain, comme à son projet de théâtre qui a le mérite de faire souffler un petit vent de folie dans nos chevelures, mais la matière de Normal est mince.

À un moment, l'auteur et comédien cite Roland Barthes pour parler de notre rapport au centre-ville. Une parenthèse tout à fait pertinente (et bienvenue) qui nourrit sa réflexion sur le voyage. Il aurait eu intérêt à étoffer son propos avec ce type de considérations ou à romancer ce voyage pour le rendre tout à fait inoubliable.

Cela dit, Jean-Philippe Lehoux demeure un être éminemment sympathique, qu'on aimerait bien croiser à Normal si on y était.