L'hiver dernier, elle jouait le rôle de Johanne Lemieux dans Nouvelle adresseAu même moment, on la voyait sur les planches du TNM dans Le journal d'Anne Frank. Sophie Prégent est une comédienne qui carbure à mille projets. Elle est aussi présidente de l'Union des artistes, le syndicat qui représente 8200 membres actifs.

Dans le cadre de ce dossier, nous avons rencontré des élèves qui ont travaillé fort pour être admis à une école de théâtre, mais aussi des diplômés qui, malgré leur talent, en arrachent. Le marché peut-il vraiment absorber tous ces aspirants-artistes?

Le marché est saturé. C'est sûr qu'il n'y a pas de place pour tout le monde. La formation d'acteur, ce n'est pas comme étudier en médecine ou en dentisterie, où l'on trouve rapidement du travail après ses études. Par contre, c'est bel et bien un marché, et c'est ce qui fait que ça devient une jungle où on a l'impression de se vampiriser les uns les autres. Or, ce n'est pas ma perception.

Que voulez-vous dire exactement?

Dans mon cas, avant que j'arrive sur le marché, les producteurs n'avaient pas besoin de moi. Le «besoin» de Sophie Prégent, je l'ai créé. C'est la même chose pour un Benoît Brière, par exemple: 

le marché n'avait pas besoin de lui, mais il a créé ce besoin. Bref, personne ne vole de job à personne. En tant qu'acteur, on se crée des opportunités. Certains réussissent, d'autres moins.

C'est entre autres pour cela que plusieurs jeunes acteurs fondent leur compagnie de théâtre, afin de créer un environnement de travail où ils peuvent espérer produire leurs propres pièces et se faire remarquer.

Ce phénomène est désormais compris par l'Union des artistes. Nous les appelons les «artistes entrepreneurs». Nous travaillons actuellement à l'écriture d'une première entente collective, qui n'existait pas jusqu'à maintenant. Ces artistes nous le disaient: «Pourquoi mon union ne m'aide-t-elle pas?» C'est à ce moment-là qu'on a compris qu'il y avait une brèche qu'il fallait colmater. Nous devons être plus flexibles pour ces jeunes, pour qu'ils puissent gagner leur vie.

Dans ce contexte, trouvez-vous que nous formons trop d'acteurs au Québec?

C'est une question délicate et complexe... Il y a certainement une élimination naturelle dès le début d'une carrière. Mais y a-t-il trop de finissants en interprétation? Rappelons-nous qu'une formation d'acteur ne mène pas nécessairement à la scène. Une Marie Laberge (écrivaine), par exemple, a étudié pour devenir actrice. C'est donc un bagage qui te sert pour de multiples choses. Je crois qu'il faut d'abord et avant tout rester ouvert d'esprit. À l'Union des artistes, certaines personnes se plaignent que c'est trop difficile d'accumuler les permis (autrefois les crédits) pour être admis. D'autres nous disent d'arrêter d'admettre de nouveaux membres. Je n'ai donc pas de réponse précise à votre question.

Que diriez-vous alors aux aspirants acteurs qui s'inscrivent dans les écoles de théâtre?

C'est le début du travail. Il est aussi difficile d'entrer dans une école de théâtre que de poursuivre sa carrière ensuite. Passer en audition, c'est aussi comme entrer dans une école: il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus. Et c'est juste le début! Considère que ça va devenir ta vie. Pose-toi aussi la question: pourquoi fais-tu ça? Parce que c'est ta passion ou parce que tu veux devenir une vedette? Si c'est vraiment ce que tu veux faire dans la vie, que tu en ferais même si tu n'étais pas payé ou que tu gagnais 12 000$ par année, alors vas-y.