Habitué de la scène principale du Théâtre Denise-Pelletier (il a remporté à trois reprises le Prix du public étudiant de la meilleure mise en scène, notamment pour Scrooge et 20 000 lieux sous les mers), Jean-Guy Legault travaille cette fois dans la petite salle Fred-Barry. Il monte dès ce soir son adaptation du roman Javotte de Simon Boulerice.

«Nos univers sont fantaisistes et compatibles, dit Legault. Nous avons des affinités. Lorsque le collectif Les Casseroles m'a approché pour créer un spectacle à partir du roman, j'ai tout de suite vu sa théâtralité. Et Simon m'a fait entièrement confiance pour l'adaptation.»

Javotte est une variation moderne et québécoise de Cendrillon, du point de vue de sa demi-soeur Javotte. Paru en 2012, le roman raconte, à travers le journal de la jeune fille au physique ingrat, une histoire qui ressemble au spleen de bien des adolescentes solitaires. Le personnage est décrit par l'équipe de production comme «une anti-héroïne aux grands pieds qui navigue entre éveil sexuel, éveil pour ses semblables et goût pour le risque». «Simon a inventé une fable moderne, dit Legault. Les états d'âme de Javotte nous font réfléchir sur les notions de beauté et de superficialité en Occident.»

«L'humain est un mythomane»



«J'ai l'impression que la littérature nous montre souvent des personnages d'adolescents laissés-pour-compte sans leur attribuer de véritables nuances, poursuit-il. Javotte est un roman très dur, mais il y a aussi de la fantaisie, de la légèreté et de la naïveté dans le récit.»

Ce qui colle parfaitement à la vision artistique de Legault. Ce dernier estime que l'imaginaire et le réalisme, la magie et l'ordinaire peuvent cohabiter dans une même oeuvre. «Au plus profond de lui, l'humain est un mythomane! Pour survivre, il lui faut inventer, rêver et trouver une façon de fantasmer la réalité.»

Comme le personnage unique de Javotte. Elle ne livre jamais un discours moralisateur; elle constate, tout simplement. Elle ne se plaint pas de la difficulté de son existence ni de l'ingratitude de l'adolescence; elle réagit. Javotte passe en un instant de l'amour à la haine, de l'émerveillement au désenchantement. Simon Boulerice expose sans censure la méchanceté qui sommeille en nous tous.

Pour le rôle principal, Legault a auditionné plusieurs comédiennes, car il fallait trouver une jeune actrice à la fois talentueuse et qui s'approche du personnage décrit dans les moindres détails dans le roman. Il a trouvé Gabrielle Côté (de la cohorte 2014 de l'École nationale). Le metteur en scène a aussi conservé des personnages de l'entourage proche de Javotte: sa soeur Anastasie (Valérie Dumas), sa rivale à l'école, la belle Carolanne (Lyne Lefort), son fantasme, l'athlétique Luc (Marc-Antoine Larche), et son amant Stéphane (incarné également par Larche).

Legault a tout de suite rejeté le monologue scénique afin de donner vie aux autres personnages sur scène. «Quand Javotte écrit, elle expose sa réalité selon son point de vue. Mais est-ce que la mère de Javotte est aussi méchante qu'elle la décrit? Est-ce que Carolanne est une jeune fille aussi superficielle que ça? Probablement pas. Entre l'imaginaire et ce qui semble ancré dans la réalité, le spectateur pourra distinguer le vrai du faux.»

Au fond, conclut Legault, nous ressemblons peut-être plus à Javotte qu'on le pense. «Sa plus grande tragédie est simplement de vouloir être unique... Comme nous tous.»

À la salle Fred-Barry jusqu'au 11 avril.