Qu'il était attendu, le nouveau Mani Soleymanlou. Le sujet n'est pas nouveau, la trentaine, mais le traitement est original, la mise en scène, énergique, et on rit. Pas trop longtemps.

Après Un, Deux et Trois... Quatre? Pas si vite, Mani. On n'est plus dans la quête identitaire ici. Quoique Ils étaient quatre décrive des membres d'un groupe bien précis, celui des hommes dans la trentaine, un soir de fête.

Le contexte est important. Il détermine tout le reste. Ce party est l'occasion du défoulement et des remises en question, du laisser-aller et de l'expression d'une certaine amertume.

Là-dessus, rien de bien nouveau. Mani Soleymanlou et son groupe parlent du refus de l'engagement de jeunes hommes qui ne veulent pas vieillir et qui s'accrochent au plaisir.

L'originalité, c'est que les quatre personnages portent le prénom de leur interprète et un peu de leur personnalité. Juste assez.

Mani Soleymanlou est le paquet de nerfs adepte de porno, Guillaume Cyr, le sérieux papa... pas toujours bien dans sa peau, Éric Bruneau, le beau Brummell plus songé qu'il n'en a l'air, et Jean-Moïse, ou J-Mo, l'angoissé brillant mais solitaire.

Ils donnent leurs répliques en solo, en duo, en trio, tout en ayant très peu de contacts entre eux. Ils parlent de leurs désirs, de politique, de sexe et, surtout, d'eux-mêmes. La bande des quatre sniffe et s'amuse ferme, mais adore également le texte d'Aragon sur le suicide, Il n'aurait fallu, mis en musique par Léo Ferré et interprété par Renée Claude.

La mise en scène est réglée au quart de tour avec une excellente musique de Philippe Brault et une bande sonore faite, entre autres, de gémissements érotiques.

Ces quatre post-ados sont sur le point de faire quelque chose de leur vie: construire une famille, travailler pour vrai, s'engager... mais hésitent, tergiversent et laissent tomber. Un soir d'étourderie, abusant de drogue et d'alcool, ils font des gestes qu'ils n'avaient pas prévus. Qu'ils regrettent déjà.

Quelque chose de touchant

Il y a quelque chose de touchant dans leur surplace, leurs questionnements et leurs échecs. Entre «l'idée de bâtir avec quelqu'un d'autre, ça me séduit» d'Éric et le «on s'en câlisse» de J-Mo, il y a toute une jeunesse qui s'apprête à ne plus l'être, mais qui ignore comment y arriver. En cela, ces trentenaires ne sont probablement pas différents des autres, avant ou après eux.

Ils sont un peu pitoyables, mais drôles aussi dans leur naïveté. Ils feignent le détachement, mais ils n'ignorent pas, au fond d'eux-mêmes, ce qui les attend: un monde de responsabilités.

Ces quatre amis sont pétrifiés par la peur de l'échec. Ils en veulent aux boomers, ces «premiers ados de l'humanité» qui n'ont rien foutu avant eux, mais ils refusent de plonger, craignant d'arriver aux mêmes résultats.

On en rit, là maintenant, mais ce n'est pas si drôle.

À La Petite Licorne, jusqu'au 3 avril.