Un Sébastien Ricard en pleine possession de ses moyens, une lecture originale du duo Jean-Marc Dalpé-Brigitte Haentjens et des échanges époustouflants font du Richard III présenté au TNM un des grands moments de la saison 2014-2015.

Limpide. C'est le premier mot qui vient à l'esprit à la sortie de ce Richard III. Le texte et sa traduction, ainsi que la mise en scène forment une démarche réfléchie, homogène et on ne peut plus claire. Un an de travail et une direction assurée, assumée font de cette production un grand moment de théâtre.

Même si on perd quelque peu le fil en raison du nombre effarant de personnages (près de 30 joués par 20 comédiens), les intentions des créateurs restent inaltérées du début à la fin.

Résumons. Richard est un être laid et difforme destiné à être ignoré toute sa vie. Pour survivre et faire sa place, il apprend la séduction, la manipulation, par l'esprit et le langage. Il sera cet être suprêmement intelligent, rusé et ambitieux. Joueur, très joueur, politicien jusqu'au bout de l'épée.

Ainsi, Richard III devient un formidable cours de politique 101. Oui, celle-là de la commission Charbonneau, ou celle de César Borgia, voire d'Adolf Hitler. On peut traiter Richard de monstre cynique et perfide, mais personne, autour de lui, à l'exception des femmes, n'est différent. Richard n'est que le meilleur joueur de toutes les équipes qui veulent remporter la couronne d'Angleterre.

Dans la première partie, il s'amuse et nous lance des apartés, comme le fait Frank Underwood de la série télé House of Cards, autre gagnant vicieux. Il cabotine et fait le bouffon. Il peut se le permettre. Il a compris les mascarades, les compromis, les fourberies. Il a accepté le jeu dès sa naissance et prend tous les moyens pour gagner.

Seules les femmes lui résistent un temps, mais il finira par séduire, là aussi, ses pires ennemies. Elles voient le jeu, elles aussi, et le dénoncent. Elles pleurent depuis des siècles, sans doute, parce qu'elles savent que, peu importe leur métier ou profession, les hommes jouent à toutes sortes de jeux cruels toute leur vie, ce dont elles sont exclues.

Malgré quelques problèmes de diction, sans doute en raison du trac de première, Sébastien Ricard fait un Richard convaincant et multiple. Il a creusé, avec sa metteure en scène, les nombreuses facettes de ce roi complexé et complexe, triste, drôle et beau à sa façon.

Une distribution de haut niveau 

Toute la distribution est de haut niveau. Mentionnons les performances de Sylvie Drapeau, Renaud Lacelle-Bourdon, Monique Miller, quel plaisir de la revoir, et de cet «autre moi» de Richard, le filou de Buckingham interprété par un machiavélique Marc Béland.

Construite en un crescendo, la pièce souffre toutefois d'un troisième acte interminable qui vient complètement briser le rythme créé dans le deuxième grâce à l'intervention de meurtriers parlant le joual.

Après l'entracte, le duel entre Richard et la reine Élisabeth (Sylvie Drapeau) vaut à lui seul le prix du billet. Toute la fin, d'ailleurs, est menée à un train d'enfer. Avec raison puisque c'est là que ces diaboliques politiciens finiront.

Chapeau aussi à la scénographie d'Anick La Bissonnière, aux éclairages d'Étienne Boucher et aux costumes d'Yso. À la fin, ces fous de Dieu qui en finissent avec Richard prennent d'ailleurs l'allure d'intégristes au combat.

Richard III avait commencé sous un soleil puissant. La pièce se termine sous la menace d'une lune froide. Le côté obscur de la lune. Le monde n'a pas changé.

AU TNM jusqu'au 4 avril.