Mission réussie pour la petite équipe de Menka Nagrani sur Le chemin des passes dangereuses. La metteure en scène et ses trois comédiens ont créé un spectacle époustouflant.

Avec son adaptation de la pièce de Michel Marc Bouchard, Menka Nagrani réussit ce dont beaucoup rêvent, mais ce que peu réussissent: une fusion théâtre-danse où les deux disciplines triomphent grâce à des performances exceptionnelles.

L'idée de départ de Menka Nagrani - y marier la gigue contemporaine et la turlute - est au diapason d'un texte qui parle de lutte puis de réconciliation entre trois frères, ainsi qu'entre ceux-ci et leur père, mort des années auparavant.

Les trois frères sont victimes d'un accident de la route à l'endroit même où leur paternel, cible de leurs moqueries ou de leur honte communes, est disparu il y a longtemps. C'est le moment ou jamais de laver son linge sale en famille.

Course contre la mort

La gigue intervient peu à peu dans la mise en scène réglée, c'est le cas de le dire, au quart de tour. En fait - c'est là toute l'intelligence de l'affaire -, l'interprétation de la metteure en scène colle à l'esprit de la pièce.

D'abord, Michel Marc Bouchard a inscrit plusieurs «[temps]» dans le texte, ce qui incite à imaginer une gestuelle particulière. En outre, le drame raconte une course contre la mort, avec des répétitions en boucle comme symbole du trépas qui vient, usant de l'image d'un mystérieux camion.

La gigue n'a, ici, de traditionnel que le nom. Ceux et celles qui connaissent le danseur de flamenco contemporain Israel Galván verront rapidement que les chorégraphies de Nagrani procèdent du même esprit, très loin des Soirées canadiennes d'antan!

Enfin, il fait applaudir à tout rompre les performances des comédiens Arnaud Gloutnez, Félix Monette-Dubeau et Dominic St-Laurent. Ils ont appris la gigue, la turlute et jouent le texte sans fléchir, dans l'émotion et le ton.

Cette version du Chemin des passes dangereuses représente un travail colossal de réappropriation d'un texte majeur dans une forme innovante qui nous réconcilie avec le folklore québécois.

Même s'il faut utiliser cette expression avec circonspection, disons-le, il s'agit d'un spectacle à voir absolument!

Au théâtre Prospero jusqu'au 28 février