Daniele Finzi Pasca fait partie de cette petite poignée de metteurs en scène capables de nous émouvoir par le geste. Un maître du sous-texte, celui qu'on n'entend pas, mais que l'on devine. Que l'on ressent. Dans des univers toujours très oniriques, clownesques, acrobatiques aussi, bien sûr; pensez seulement à Rain, qu'il a créé avec le Cirque Éloize.

Mais avec sa nouvelle pièce Bianco su Bianco, le metteur en scène suisse-italien prend véritablement la parole. Jamais auparavant n'avait-il créé un spectacle aussi «écrit» que celui-ci. Il y a bien eu son spectacle solo Icaro, créé il y a une vingtaine d'années, mais il y a un pas théâtral que Finzi Pasca franchit ici.

Cette parole est portée sur scène par deux comédiens doués pour le jeu tragicomique que commande ce texte de Finzi Pasca. Helena Bittencourt, d'origine brésilienne, et son partenaire néerlandais Goos Meeuswen nous font le récit touchant d'un certain Ruggero, jeune garçon qui porte sur lui les marques de violence de son père.

La langue de Finzi Pasca est imagée et fine. Son «théâtre de la caresse» n'est jamais très loin. Il est beaucoup question de résilience, d'amour et aussi du pouvoir de la création, un thème que l'on retrouvait dans Icaro. Mais le texte de Bianco su Bianco a ses lourdeurs et ses circonvolutions et le récit oral prend beaucoup de place.

Ruggero et Helena

Heureusement, le jeu physique des acteurs est au point et permet d'évoquer des émotions tout aussi fortes. Tout particulièrement celui d'Helena Bittencourt, qui a une présence magnétique, qui chante, joue de la guitare et narre avec un accent tout à fait charmant le parcours du jeune Ruggero, tout en incarnant le rôle de l'amoureuse qui lui restitue son sourire.

Évidemment, comme le chantait Jean Leloup, «les moments parfaits ne reviennent jamais» et un drame viendra assombrir quelque peu le bonheur de Ruggero et Helena. Pourtant, le feu qui les unit ne s'éteindra jamais. Au contraire, le courant passe entre ces deux âmes soeurs, qui ne sont pas prêtes à s'abandonner.

La forêt de lumières qui occupe la scène est magnifique, chaque ampoule étant la métaphore des mots «qui ont perdu leur luminosité» avec le temps ou carrément des hauts et des bas de la vie. 

Avec son amoureuse, Ruggero réintroduira de la lumière dans ces mots. Par moments, ces ampoules qui s'allument et qui s'éteignent donnent l'impression d'un coeur qui bat.

La narration aurait-elle pu être simplifiée pour n'être qu'un fil rouge? Cette double épaisseur de théâtralité - dans le jeu et dans le texte - ne sert pas toujours bien ce récit à la fois visuel et musical. Tout est question de dosage et l'on aurait sans doute aimé voir s'animer ces deux comédiens-acrobates de premier plan un peu plus.

Malgré cela, on reçoit cette nouvelle création de Finzi Pasca comme une jolie vague qui se rend à nous avec beaucoup de douceur, grâce à la générosité et à la tendresse de son auteur.

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À la Cinquième Salle de la Place des Arts, jusqu'au 29 novembre.